dimanche 15 juillet 2012


En revenant du dining room à pieds ce matin, la petite famille propriétaire de la petite poule que j’avais filmée le jour où ses poussins sortaient des œufs m’a arrêtée avec un grand sourire. Ils voulaient me montrer les six nouveaux poussins de leur poule. J’ai trouvé ça trop mignon. La femme m’a proposé un thé, et j’ai accepté avec plaisir car cela fait beaucoup de fois que je passe devant eux et à chaque fois nous échangeons des sourires d’envie de partager quelque chose sans trop savoir comment. Le temps passant a fait son travail, je n’ai plus qu’à suivre le rythme. Bon nombre de fois on m’a dit de faire attention aux endroits où j’allais boire, manger, mais sincèrement, là, je n’ai pas trop envie de me bloquer pour cela tant c’est proposé avec cœur. Elle m’a fait entrer dans cette petite maison de paille et de tôle mitoyenne avec une dizaine d’autres, tout en longueur, le long de la route. Le soir, le matin, je vois les petites filles faire leurs besoins à même la route, en appui sur le trottoir. La douche est un moment joyeux pour la famille : des bassines sont remplies et les enfants jouent autour, plongent la tête dedans et tout le monde est couvert de mousse… A midi, c’est la vaisselle commune, dans l’après-midi c’est la lessive. Je n’étais pas encore rentrée dans une maison aussi humble. En fait, les parois d’une famille à l’autre sont faites uniquement de tressage de feuilles, et en hauteur on peut passer d’une maison à une autre car la cloison ne touche pas le plafond. La dame s’est excusée de me faire rentrer dans cette unique pièce qui tient lieu de salon, de chambre, de cuisine…pour 6 personnes : sa mère, son mari, ses deux enfants, sa sœur et elle. Comme ça, je pourrais dire que ça doit faire entre 8 et 10m2. La sœur dormait quand je suis entrée et s’est réveillée, me faisant une petite place par terre sur la natte. La maman m’a préparé le thé. J’ai tout de même demandé si c’était de l’eau filtrée, elle m’a dit que oui…filtrée comment je ne sais pas, j’ai décidé qu’à ce moment-là, tout irait bien…Le thé m’a été servi dans ces verres en métal comme toute leur batterie de cuisine. C’était hyper chaud donc la maman l’a repris et a fait plusieurs transvasement comme les indiens savent si bien le faire avec un sens du mouvement très artistique et agile, le thé se transformant en une espèce de grande pâte malléable. Il était très bon ce thé, et pour une fois pas trop sucré. Chose étonnante, la femme qui m’a invitée prénommée… « Lourdes » !, parle très bien l’anglais ce qui est rare dans ce milieu. Cela m’a vraiment facilité la conversation. Elle a 34 ans et encore une fois, pensait que j’en avais 25. Tout le monde me demande mon secret : je n’en ai pas, sauf que j’ai décidé un jour que je ne voulais pas vieillir …on dira que j’ai le droit de rêver et ça fait rêver les autres…
Elle m’a demandé si ça ne me gênait pas d’être assise par terre, j’ai évidemment dit que bien au contraire, j’aimais cela et que j’étais vraiment honorée d’être son invitée. Le petit de dix ans est venu s’asseoir et a allumé la télé : car ça ils en ont tous…les branchements sont précaires mais ça marche ! Il s’est mis à tousser.  A ce moment-là, mes yeux s’habituant au noir, j’ai bien vu que beaucoup de tissus, surtout celui entourant le réfrigérateur, étaient tout mouillés. Avec les orages des jours derniers ça ne m’étonne pas. Je lui ai dit que ça devait être dur pour eux et elle m’a dit que oui vraiment, en me montrant tous les habits et autres choses trempées. Dans le toit je voyais le jour, donc j’imagine vu la violence des orages ce que ça peut être la nuit. Elle ne dort pas ces nuits, passant son temps à éponger et à protéger ses enfants mais systématiquement ils tombent malades. Ils n’ont pas de vêtements à manches longues d’après ce que j’ai compris. A ce moment-là, j’ai vu un gros rat traversé la pièce et passer dans l’autre maison. Du coup je lui ai fait remarquer et je lui ai demandé si cela n’était pas dangereux pour les enfants. Elle m’a dit que ça l’était et que c’était pour cela que les enfants dormaient au centre, les parents autour, et…la poule pas loin avec ses œufs pendant qu’elle couve ! Personne ne travaille vraiment dans la famille, elle n’a pas de maison et c’est pour cela qu’elle est venue vivre avec sa mère. Le mari fait juste quand il est embauché ici ou là quelques travaux de peintures et ils ont à peine 30 roupies (même pas 50 ct d’euros) par jour pour manger. Etonnamment, il n’y a pas de solidarité ou d’échange avec les pêcheurs dans le quartier et ils doivent aller acheter le poisson au marché. Elle m’a dit qu’en fait elle évitait de se plaindre vu qu’elle savait que d’autres n’avaient pas cet abris…je lui ai dit qu’au final, moi je prenais aussi conscience de la chance que j’avais alors que je râlais souvent. On a bien ri à ce moment. Elle a tenu absolument à me donner deux idlis (petites galettes de riz et d’une autre céréale que j’ai du mal à reconnaître et dont le nom me reste intraduisible à chaque fois) pour mon prochain repas.

 J’étais un peu gênée au départ mais voyant qu'elle insistait j’ai accepté : pour une fois elle n’a pas insisté pour que je mange devant elle. Je sortais de mon petit-déjeuner et je n’avais pas faim. Elle m’a mis les deux idlis dans une petite boîte en métal que je lui ai promis de lui rapporter le plus vite possible. Elle m’a dit de prendre mon temps. J’ai mangé ces galettes cet après-midi au goûter et même froides, elles étaient excellentes. Verdict, je n’ai absolument pas été malade et je suis donc satisfaite d’accepter ces moments même si pour d’autres raisons mon mental voudrait que je les refuse.
J’ai dû partir car les enfants de mon quartier m’attendaient pour jouer avec l’allemande Martina de ma guest house.  La séance de jeu a été en trois temps : d’abord nous avons fait rentrer les garçons dans la maison et leur avons ouvert trois jeux de sociétés : le snake, le Uno et un jeu de mémory.
 Les filles ne voulant pas jouer avec les garçons au départ n’ont d’abord pas voulu entrer, mais vu qu’elles m’attendaient pour jouer avec mon appareil photo, elles sont finalement entrées pour jouer à leur tour mais elles sont restées juste à l’entrée sur une natte. 
Avec Martina, l'allemande

J’ai pris d'abord le groupe d'enfants pour le jeu Snake, qui ressemble un peu au jeu de l’oie dans la technique sauf que lorsque l’enfant tombe sur un serpent, il glisse dessus de sa longueur et repart en arrière, et quand il tombe sur une échelle, il grimpe et prend de l’avance. Au début c’était un joyeux foutoir, je les laissais faire pour voir et ça trichait comme ça pouvait et surtout le comptage était plus qu’approximatif. Comme ils beuglaient et n’attendaient jamais que le précédent jour ait fini de jouer et de tricher avant de lancer leur dé et de le refaire tourner à leur manière, j’ai pris le parti de séquestrer le dé dans ma main entre chaque joueur et je me suis mise un peu à ordonner la règle. Ça restait de super mauvais joueurs, rien de bien différent qu’en France ! Mais bon, je les aime bien mes caïds!

Ensuite, une séance photos a commencé et une des  petites filles a voulu que je danse, dans la maison d’abord, dans la rue ensuite. Je me sens très proche de cette gamine depuis quelques temps, je vais avoir du mal à la quitter...



 J’ai vraiment bien apprécié ce moment car je me suis laissée emporter par sa joie et sa propre danse !
 


Ensuite nous avons recommencé nos jeux de la semaine dernière avec les cordes à sauter, drainant de plus en plus d’enfants. Je peux dire que la rue était animée : cri, rires, sauts…à chaque passage de motos, vélos, laitier, rickshaws, on abaissait nos cordes et hop, on laissait passer avant de recommencer ce joyeux moment.

 Mon appareil photo est passé de mains en mains, j’ai dû un peu gérer la distribution sinon je pense que mon appareil allait finir en piteux état : «  It’s mine, so I decide. You don’t decide, ok ? ». Tout s’est vraiment bien passé. A la fin, Martina a distribué quelques bonbons. J’étais vraiment épuisée mais ça fait tellement plaisir de voir leurs yeux, leurs rires, leur énergie. Quand on fait sauter une brochette d’enfants en file indienne – si je puis dire- c’est vraiment un super spectacle. Les parents sortent à peine, ils nous font confiance et tout se passe parfaitement bien. Les enfants comprennent bien quand les jeux se terminent et après dans la journée, ils font de gentils signes de main en m’appelant « miss, miss,miss ! »
               
Après le repas de midi, je suis allée me balader autour de Goubert Market, entre Gandhi Road et Mission Street car tous les dimanches le marché aux vêtements, quincailleries s’étend dans les rues. J’adore l’ambiance, marcher, regarder, écouter…sentir un peu moins, ça pue carrément par moment car des bouts de poissons frelatés jonchent le sol et les chats se vautrent dessus. Entre-deux il y a les vaches qui bouffent les détritus et qui pissent tout droit sans se préoccuper de savoir si ça éclabousse les passants…mais bon, c’est vraiment un lieu animé et pour une fois, je me suis fait plaisir sans me faire arnaquer : j’ai trouvé de salvar kamiz ready made cette fois au prix très correct. Le premier était vraiment original, avec un petit carré ouvert dans le dos et un joli petit col. Le monsieur le vendait à 350 roupies, ce qui est moitié moins cher que dans les magasins pour cette qualité. Il a refusé de me le laisser à 250 roupies donc vu qu’il m’allait parfaitement car j’ai essayé la chemise dans la rue, on a conclu pour 300 roupies. Et en partant, je suis tombée sur un petit monsieur qui en vendait très peu dans un lieu où l’on n’avait pas vraiment envie de s’éterniser vue l’odeur. Il avait de chouettes couleurs et mon regard s’est attardé. Quand il m’a dit que chaque ensemble de trois pièces était uniquement à 100 roupies- ce qui m’a fait halluciner, j’ai pris le temps et le courage en apnée de regarder ce qu’il avait. J’ai apprécié son honnêteté car il me mettait loin de lui ce qui était synthétique et me tendait le pur coton. J’en ai vu un qui me plaisait dans les tons rouge et orange mais en le dépliant il avait un tout petit trou à la manche. Du coup, je n’en voulais pas. Il m’a dit qu’un tailleur pouvait me couper les manches. Je lui ai dit que j’en étais capable et que le tailleur n’allait pas me le faire gratuitement. Il m’a dit que ça ne coûterait pas plus de 20 roupies. Alors je lui ai dit que je prenais son ensemble mais à 80 roupies, pas à 100. Il a accepté en me rendant d’abord seulement 10 roupies, tentant de me le vendre à 90, mais j’ai insisté en lui disant : «  il me manque encore 10 roupies  et 20 pour le tailleur ça fait 100. » Tout cela vraiment dans un échange agréable. Et pour le coup, là j’ai fait une super affaire et si j’avais su que je pouvais me trouver des habits plus que sympa à ce prix sur ce marché, je n’aurais pas perdu mon temps et mon argent  dans des magasins et chez le tailleur pour m’en faire fabriquer qui ne me vont pas si bien que ça. Mais, j’apprends avec le temps, mon anglais s’améliore énormément, je connais maintenant les prix, les formes, et je prends de l’assurance…
Finalement, je me sens quasiment presque comme un poisson dans l’eau par moment ici et ça me fait vraiment du bien de ressentir cela. Je sens que l’on ne me considère plus comme au début car maintenant, étrangement, je ne me fais plus du tout aborder comme une touriste mais plutôt comme quelqu’un qui vit ici. Ensuite je suis allée acheter comme d’habitude mes mangues et là encore, je trouve toujours le prix que je veux : le kilo peut varier de 25 roupies à 80 roupies selon la variété de la mangue mais parfois pour la même variété le prix passe du simple au triple selon les marchands. Ce qui est marrant c’est quand je refuse à une personne, le stand d’à côté m’appelle et me propose le prix que je veux…Pas simple entre eux mais maintenant je m’en fiche. J’ai arrêté les pommes presqu’au début de mon séjour car elles sont très chères ici et quand je veux croquer, je m’achète des goyaves.
Bref, j’ai encore dépensé un peu d’argent, j’ai aussi enfin fait faire mes deux paires de tongues en cuir et je vais récupérer la seconde mardi. Là encore, les prix ont doublé en 10 ans et le monsieur m’a expliqué qu’avec le même prix de cuir, avant il en avait pour un mois, maintenant pour trois jours ! Je le crois vu que j’ai aussi croisé un vieil indien qui n’était pas revenu ici depuis 6 ans car vivant en France chez son fils et qui avait halluciné en voyant sa note de restaurant. Du coup il allait manger aussi au dining room de l’ashram. Bon autre anecdote, c’est la première fois que je parle avec une personne qui a deux pouces à chaque main…
Ça a dû être un bébé heureux !
Cet après-midi je devais aller à l’orphelinat et j’ai été un peu déçue de ne pas pouvoir m’y rendre mais quand j’ai pris mon vélo pour aller chez la responsable Alice, l’état de sa mère dont je n’avais pas parlé la dernière fois avait empiré. En fait, dans la grande pièce de la maison tamul, quand on entre, sa mère mourante est alitée…la première fois ça m’avait un peu mise mal à l’aise…là, tout le monde était dans la même pièce, trois petites filles- ses nièces je crois- faisant leurs devoirs en Tamul par terre, une autre en train de jouer à un petit jeu video avec son père peut-être, et deux vieilles femmes assises en lotus à côté, me regardant…Alice s’est excusée, j’ai bien compris. Elle a appelé son mari pour voir où il était mais il venait juste de partir à l’orphelinat des garçons et du coup ne pouvait pas faire demi-tour pour me prendre. Ce n’était pas bien grave, je comprenais la situation. Elle m’a juste dit de l’appeler pour la semaine prochaine…
Du coup je suis allée à la clinique des yeux où j’ai toujours un merveilleux accueil : la dame avec laquelle je travaille, m’attend toujours avec autant d’impatience. Là elle était toute contente parce que je m’étais acheté des bindis et que je ressemblais de plus en plus à une indienne. Du coup mardi, je m’habille avec mes nouveaux vêtements, je crois qu’elle va être ravie. Je tiens à dire que depuis plus d’un mois que je fais tous les jours mes exercices, mon regard vers le bas, suite à mon accident de la route s’est amélioré ce que je ne pensais pas possible et j’en suis très contente. Par ailleurs, la ville est si polluée et je me prends tellement de poussière en permanence dans les yeux à force de circuler toujours à vélo ou à pieds, que ça me fait du bien de recevoir mes gouttes d’eau de rose, de faire mon palming  et de recevoir  le cold pack qui clôt le protocole. Cela me donne l’impression de sortir avec des yeux parfaitement purifiés quand je sors… C’’est donc un temps que je m’impose et qui m’aide aussi à structurer ma journée quand je suis un peu trop en vadrouille.
Simple mais belle journée qui a fini par une séance de photos sur mon ordinateur pour Raju, l’indien qui garde la Guest House qui a voulu voir les enfants du quartier, Delhi, Gingee, Chidambaram, Karaikal, Tremquebar…mais quand il a m’a vue en video danser, puis la petite fille, il m’a demandé de le filmer lui aussi en train de danser ! Du coup demain ou après-demain il me fait son show, et je pense que ça va être assez sympa car c’est  un homme très sympa, serviable, mais surtout qui aime s’amuser. Par contre, j’ai eu du mal à faire ce que j’avais à faire sur l’ordinateur car il a avait décidé de ne pas quitter la chaise à côté de moi et il est resté ainsi pendant presque trois heures. J’ai donc différé ce temps d’écriture, prenant plaisir aussi à partager avec lui son pays.

2 commentaires:

  1. BRAVO POUR TES PHOTOS
    BRAVO POUR LA DANSE
    JE SUIS HEUREUX J'AI DE LA LECTURE POUR CET ETE
    MERCI A TOI TU ES UNE GRANDE DAME
    KRYSTIAN CARRIE

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  2. Heureuse de voir que mes écrits ont de fidèles lecteurs...après, non, je ne suis pas une grande dame, je ne fais que de petites petites choses en comparaison avec ceux qui m'entourent ! bisous

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