mercredi 1 août 2012

Pas pour moi

Tu n'auras pas accès au divin comme ça

Je ne suis pas certaine, en admettant que le divin ait une existence propre- s’il est La conscience suprême et s’il a une volonté d’imprimer chez l’homme sa reconnaissance, qu’il ait obligatoirement décidé que le trajet devait être ascensionnel. C’’est  vrai que la vision est plus vaste quand on grimpe sur une montagne ou sur la grande roue, mais cela ne signifie pas que l’on voit plus justement la réalité que si l’on décidait de creuser et d’aller voir en-dessous ce qui se trame et s’il n’y a pas un iceberg dont la taille est plus importante vers le bas que vers le haut. Personnellement, je trouve que l’on apprend mieux des fouilles archéologiques en creusant, qu’en prenant l’avion pour voir la terre vue du ciel…mais à chacun son point de vue justement et le nœud du problème est là me concernant. Je ne rencontre que des gens qui jurent que le spirituel est en nous, qu’il se trouve au niveau du cœur- pas le cœur biologique- mais à chaque fois, la lumière semble venir d’en haut ce qui entraîne des mouvements de prosternation, de soumission ce qui m’insupporte justement au plus haut point. Le respect, la reconnaissance, la réciprocité doivent-ils en passer par des attitudes qui accentuent la conscience d’infériorité ? Est-ce que le paon ferme sa roue pour prier ? Je ne sais pas, mais ce que je sais c’est que lorsqu’il la déploie, j’y voie le divin et j’ai plus envie de me faire petite devant un paon pour ne pas qu’il se sauve et contempler longuement la perfection de ses couleurs et de ses formes pour justement en prendre plein les yeux et me dire que vraiment la Vie et la Nature sont belles et méritent le plus grand respect : pas trop de bruit, ne pas détruire l’environnement…Ce qui me laisse aussi le bonheur de penser que si j’ai le droit de contempler un si beau spectacle c’est que j’en fait partie et que je me respecte en sachant m’arrêter de courir dans tous les sens pour apprivoiser la notion de Beau. Et ce Beau, ici BAS, pour moi, c’est l’expression du divin qui s’imprime en moi sans que j’ai à acheter  des bougies, à faire des bouquets, à baiser le sol, à lever les mains au ciel comme une délirante…( que je sais être quand je décide de ma folie comme la plus grande liberté donnée à l’homme…)
Donc l’Esprit accroché aux étoiles ça me chiffonne beaucoup et je ne peux que dire : «  bouh que ces tableaux aux couleurs pastels avec leurs petites fleurettes et leurs petites étoiles dans les coins que l’on trouve chez tous les fervents de la plus haute spiritualité adeptes de la méditation comme seul outil d’accès au divin, me semblent fadouilles et non représentatifs de la représentation que je me fais du divin. » Je suis d’accord que ce n’est pas en passant par le divan que l’on y accède facilement, mais ça peut arriver si on ose aussi lâcher ce qui semble « paranormal » en nous et qui représente bien souvent un clin d’œil à ce malin…et je dis malin avec foi car si toute chose a une essence qui en est la métaphore idéale, alors je me demande bien ce qu’est l’essence d’un pauvre mec en train de dormir la tête dans les détritus le sourire aux lèvres ou pas de sourire du tout…ça me fait penser au Mendiant de Victor Hugo qui a sa bure constellée d’étoiles… c’est la « Bouche d’Ombre » qui le dit, pas celle qui a mangé le soleil et encore moins celle du mendiant…
Depuis que je suis toute petite j’ai un regard fort critique sur ce que mes sens me donnent à voir dans ce monde et j’ai un sens aigu de la vérité, de la justice. Tout ce qui est faux m’insupporte, me détruit…l’hypocrisie certes, mais un peu comme le clamaient un Voltaire ou un Maupassant pour ne citer qu’eux, toute cette dévotion pour se serrer le jus et donner le peu d’argent ou d’humanité que l’on cherche à nous voler : la liberté de penser et de concevoir le monde…et de le créer aussi !
Je n’ai pas choisi d’avoir ce regard si aiguisé, qu’il m’a coupé menue menue au point de me faire chuter entre les mailles de la terre. Descente dans le goitre de la Bouche d’Ombre, j’ai vécu l’innommable même si j’ai essayer de le nommer, l’indicible même si j’ai essayé de le dire, et l’impensable puisque j’ai tenté en vain de le penser dans ma chair au-delà des mots…J’ai rencontré dans cette enclave un super pote : Antonin Artaud…Et c’est amusant car je viens de tomber seulement hier pendant que je refaisais l’expérience du gouffre, sur un écrit extrait de Ci-gît que je n’avais jamais lu ou auquel je n’avais pas prêté attention n’ayant pas encore vécu ce voyage…
C’est ainsi que:
le grand secret de la culture indienne
est de ramener le monde à zéro,
toujours,
mais plutôt
1° trop tard que plus tôt,
2° ce qui veut dire
plus tôt
que trop tôt,
3°ce qui veut dire que le plus tard ne
peut revenir que si plus tôt a mangé
trop tôt,
4° ce qui veut dire que dans le temps
le plus tard
est ce qui précède
et le trop tôt
et le plus tôt,
5° et que si précipité soit plus tôt
le trop tard
qui ne dit pas mot
est toujours là,
qui point par point désemboîte
tous le plus tôt. ;

Je ne saurais que me référer à un Blanchot, un Rimbaud et à tant d’autres, Nietzsche aussi  qui précise bien que c’est du plus profond que les montagnes s’élèvent le plus haut et tant d’autres auteurs dont les écrits en paraboles illustrent bien la nécessité d’en passer par là- si bas-  ou si errant- pour avoir la capacité à trouver en soi le divin…La seule chose c’est qu’il faut avoir la force nécessaire et quelques outils d’expression pour ne pas y sombrer avant d’avoir pu en imprimer quelques traces obligeant le dévot à consentir que ce n’est pas la croyance qui fait l’homme et encore moins donne la hauteur du divin à l’homme…Bien au contraire, mais se leurrer peut aussi aider à ne garder  que l’épure de la réalité et à n’en prendre officiellement que ce qui fait lustre et laisser officieusement le reste…et là c’est peut-être ce qui se dit à confesse qui fait le « pendant » (et pendant… que le divin s’exprime haut et fort trouvant son écho dans le chœur des lieux des prières , son côté noir se chuchote derrière des grilles où l’on est jugé coupable d’avoir sa part NATURELLE  et NECESSAIRE d’imperfection…)

Bon nombre de poètes ont été des voyants et ont laissé à leur lecteur la jouissance d’avoir à déchiffrer, décrypter, ces signes symboles qui trament l’Alliance de l’homme au monde au travers du Verbe.
J’ai l’impression comme eux, dans l’horrible trajet qui a été le mien et qui semble par cycle le rester toujours, qu’une lampe venue de je-ne-sais-où m’a été donnée pour déchiffrer  les rencontres que j’ai fait dans ce désert si peuplé de ce que les autres ne voyaient pas…Aucun délire à proprement parlé, pas plus que ceux qui ont vu Shiva ou Ganesh grimper sur leur lit pour leur donner la conduite à tenir…Artaud et ses multiples poèmes a été comparé à Shiva et ses multiples bras faits pour  ôter le leurre de la vision unique : tiens tu vois ça, mais moi je te montre ça, puis ça, pas de bol, case départ, c’était là-bas et pas ici que tu allais trouver ce que tu devrais chercher mais ne cherche pas…L’un dit : médite et offre moi des noix de coco en me donnant ton corps et ton mouvement, et l’autre dit, je suis super frustré de ne pas avoir créé mon propre corps mais je peux au moins le détruire – comme Kali- et prendre ce que je veux ou laisser ce que je ne veux pas( entre incorporation et décorporation) pour être moi-même le créateur d’une chair et d’un monde dont le spectacle peut susciter une remise en question de celui qui me lit ou me regarde…mais chacun reste libre d’en rester au PIED de la lettre au risque de n’en sentir que la puanteur, ou de disséquer cette chair et d’aller « au-delà » pour être un peu plus éclairé de ce qui « se joue » dans ce théâtre de la cruauté.

Bref, je me reperds dans les méandres de mes mots et de mon imagerie mais je m’en fous, j’y trouve un apaisement terrible qui éclaire justement mon rejet d’une partie de ce que j’ai imprimé ici en Inde depuis presque trois mois. Oui je juge, mais je tente de juger à l’aune de ce qui me semble vrai pour moi en réaction à ceux qui cherchent à te faire suivre leur voie comme étant l'Unique : 36 15 myway… Là, je me ferme...

Lorsque j’essaie malgré tout de tenter d’apaiser la profusion de pensées qui m’empêchent de dormir et parfois de vivre sereinement, de me mettre en lotus avec une musique rose dans les oreilles pour faire le vide et oser un bout de méditation, il n’y a rien à faire, la bête me saute encore plus aux tripes et l’hyper-analyse reprend de plus belle. Hors de question que je me laisse croire que ces pensées viennent de l’extérieur : c’est qui qui pense à ma place si ce n’est moi ? Arrêtons les conneries. Je peux sans doute canaliser ces pensées et les mettre dans un tiroir à clé le temps d’une nécessaire détente pour laisser place à d’autres pensées par la suite peut-être moins torturantes, plus colorées, mais en aucun cas ne veux accepter l’inacceptable d’une lobotomie à visée de « purification ». Que ce mot est détestable !  J’aime par contre quand je parviens à faire un peu le vide parce que je le décide et parce que j’accepte que mes pensées sont un peu trop lourdes d’un côté de la balance, y mettre à la place des images d’une beauté magique qui me permettent de ressentir en moi cet Amour sans limite pour la Vie, le monde, les autres. Là j’ai par exemple l’image délicieuse d’une travailleuse du jardin qui est d’une beauté au-delà de la norme. Emberlificotée dans ses chemises d’hommes, son sari boueux, son torchon sur la tête, lorsqu’elle lève ses yeux au-delà des fleurs et qu’elle me regarde pour m’expliquer ce que je dois faire, je suis totalement hypnotisée par ses yeux trop clairs pour une indienne, si lumineux qu’ils débordent la capacité d’un simple regard humain. Personnellement, même mal à l’intérieur, quand je reçois son regard et son sourire, j’oublie tout le reste et je suis totalement submergée par une lumière qui d’ailleurs se transpose sur les fleurs que je cueille et regarde par la suite : comment expliquer d’ailleurs que mon appareil photo puisse saisir ce charme ? ( aucune retouche)

 – j’aime bien en rajouter une couche, mais si je peux je voudrais garder un souvenir de ses yeux mais quelque chose m’empêche de lui demander de la prendre en photo, comme si ce regard ne pouvait être perçu que dans un corps en mouvement…je n’ai pas envie de la voir méditer cette femme et encore moins se prosterner. On a juste envie d’être en vie et actif à ses côtés, même dans le silence tant le bien-être est là, idéalement là pour cesser des cogitations qui pour le coup n’ont plus rien d’utile.
Chercher toujours l’instant plus vrai et fort que les autres, c’est ça pour moi la vie. Ne pas le chercher surtout, savoir le saisir quand il est là…pas toujours simple. Mais il faut sa petite mémoire pour les faire resurgir comme en ce moment quand on cherche à tuer le temps par défaut d’être capable de le vivre quelques fois…

Parfois j’ai essayé d’accepter que je me trompais de voie, comme si je pouvais choisir une autre voie de sagesse : mais on ne choisit pas, et on ne s’entraîne pas à prendre un autre chemin comme au tennis, ça devient très vite frustrant et le naturel revient au galop. Parfois j’ai un œil glauque qui s’ouvre pendant que je médite et je me dis «  mais qu’est-ce que je fous dans cette position, là ? Mais à ce moment-là je me dis comme le nom de ma chambre : Persévère…rhooo, et je pense à PERE SEVERE et c’est foutu, mes mots m’emportent déjà sur le sentier de la poésie qui me fait délirer à ma manière et j’ai finalement plus de jouissance à penser que je suis un peu poète à ma manière, qu’à penser que je cherche juste à allumer la torche en moi qui me fera lire les œuvres des autres en me disant que je dois vraiment suivre ce que les autres ont créé et me la fermer, et prier pour que ma persév’errance me mène à ce qui m’aidera pour ma prochaine vie…c’est ça, et la marmotte ?

Bon, en fait j’étais en train de recopier ce que j’avais écrit dans le minibus de ce matin m’entraînant au jardin, sauf que je m’aperçois que j’ai lâché mon carnet et que je suis en train de recopier ce qui est de nouveau dans ma tête abandonnant les mots du matin…dingue ça, pas moyen de m’en tenir à ce qui pour moi serait aussi un terrible répétition et une sclérose de l’esprit qui devrait cesser de respirer parce que je lui en donnerais l’ordre. Non, je le laisse libre, c’est peut-être l’appel du divin divan qui m’attend de nouveau en rentrant en France.

Je tente de me raccrocher à mon premier texte où j’écrivais malgré tout ma difficulté à me sortir de la problématique de la destruction comme un nécessaire passage pour lâcher ce qui me sature à chaque fois. Il faut dans cette voie être encore plus vigilent pour se raccrocher à un médium d’expression qui vaut pour création : ma petite part du divin. Je me sens incroyablement double dans la journée ainsi que dans la nuit. Je ne me sens jamais libre lorsque je deviens la fille de l’ombre : c’est comme une force qui me pousse à agir, la même qui me fait aussi écrire. Ça agit au-delà de moi : qui agit ? Dieu ou Satan ? Ce sont les mêmes, n’en déplaisent à chacun, juste une question d’éclairage et de recherche d’un sens qui résiste et se demande l’intérêt de cette recherche : tout simplement pour survivre. Alors le surhumain, ça m’énerve un peu quand tant de gens cherchent juste à vivre. Certains souffrent de la faim- et il faut arrêter de dire que ça leur ouvre des portes pour une nouvelle vie après ou que c’est la sanction d’une vie antérieure où il y a eu faute- et d’autres souffrent aussi de la faim par comportement destructeur : mais une faim autre, la faim d’échapper à un déterminisme qui leur échappe : le refus d’être ou d’aller là où l’on se perd…et où les repères- faux encore- ne servent qu’à tisser un voile encore plus trouble sur le monde qui déjà semblait voilé et éloigné avant. Difficile à suivre, je le conçois. Le surhumain à mon avis, ce n’est pas une transformation de l’humain en tant que tel : c’est le symbole qui en surgit pour faire sens, et qui dit faire sens, dit, rompre l’absurdité d’une vie coupée, comme diabolisée, se jetant en travers de soi pour faire chuter…Baudelaire disait : «  Tu m’as donné ta boue, j’en ai fait de l’or. » ça serait bien de pouvoir faire de sa propre boue de l’or, mais c’est bien plus difficile quand on a le nez dans le caca d’en faire de l’Art ou de la poésie…Mais on a le droit là justement d’essayer et de persévérer et de ne pas y arriver toujours, et de fuir les commentaires des bien-pensants, des bien-agissants, des pouet-pouet qui croient tout savoir de comment un être doit agir pour se dépasser lui-même. Moi je n’ai pas envie de me dépasser, je veux accéder à mon niveau et m’en satisfaire : quand je me dépasse, je rentre en extase, et petit à petit cette excitation tombe comme un boulet sur ma tête et mon corps m’obligeant encore une fois le travail de sculpteur : je me redestratifie  comme un mythe de l’éternel détour et retour…mais jamais je ne reviens au départ ainsi que le pense le TAO…non, j’ai toujours vécu autre chose qui peut-être manquait encore de justesse, mais au moins me donne une autre expérience qui crée d’autres connexions sans pour autant hélas faire sauter encore le mécanisme de la destruction qui peut-être me laissera sur le carreau un jour. Mais je ne crois pas, car justement, je sens en moi toujours la présence d’une énergie vitale incroyable en moi, qui me pousse à vivre autre chose de façon intense et redonne toujours à mon corps, ma tête les qualités d’un phénix : ça je ne le choisis pas, c’est en moi…serait-ce un trognon de divin ?

Fleurs " Harmonies" en ...pot...c'est sa la Vie?

2 commentaires:

  1. Je suis bouleversé par ton récit, celui là. Je n'ai pas souvent le réflexe ni la disponibilité de lire beaucoup de tes articles. Mais en tout cas je viens à l'instant de lire celui ci, c'est lui le divin. J'ai pleuré de tout mon corps. Ce que je lis là, de toi, c'est la conscience de me trouver en face d'un génie qui me donne toutes mes larmes à couler. J'espère un jour dans mes mains, avoir l'honneur de parcourir tes livres. Et si il en existe un Dieu, évidement qu'il prends tout particulièrement soin de toi. Soigne toi et le monde, tu peux largement sauver le monde...

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  2. Oh, merci ...mais c'est écrit à l'emporte-pièce...sûrement plein de contradictions: celles que j'ai en moi, et mes versions pourraient changer un jour sur l'autre, il me faudrait écrire un libre avec intercalaire: jour A, jour B...
    Je ne sais qui tu es Anonyme...mais peu importe, tu ES.
    Bise

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