vendredi 29 juin 2012


Bon, à nouveau me voici privée de la connexion internet. J’apprends ici le mode intermittent. Mon moral est de même mais je me rassure en me disant qu’ici c’est normal. Heureusement, j’ai de bonnes discussions à l’école avec l’enseignante qui me donne des conseils pour lire les œuvres de Mother d’une façon autre que celle qui consiste à toujours vouloir analyser, disséquer, juger, comparer…Je dois apprendre d’abord la connaissance globale, qui demande une lecture « flottante »…lire tout pour connaître, imaginer la situation d’énonciation et les conditions d’écriture sans y projeter son mental, sa culture…et c’est vrai que cela m’apaise, m’aide, car je suis toujours en train d’essayer de comprendre à l’aune de mon savoir, de mon mode de fonctionnement et à l’évidence, ça n’est pas le bon toujours vu les méandres où cela m’a menée. Et si je me retrouve à 6000 km de chez moi, c’est bien pour découvrir autre chose et cesser de remettre en question à chaque fois une situation en la mesurant à celles passées. Je dois apprendre à avoir un regard neuf, humble, positif, ce qui n’empêche pas par la suite de ne pas vouloir adhérer à ce que l’on a entendu ou lu, mais en tout cas, cela permet de ne pas bifurquer ou se bloquer aux prémices d’une découverte.
 Depuis deux jours, pas moyen de circuler dans Pondi : tout est bloqué pour la venue demain du premier ministre Indien. Même les écoles ne sont plus accessibles, et il faut faire dix fois le tour de la ville pour trouver un passage jusqu’à chez soi. Le problème c’est que les barrières ne sont pas fixes et là où tu es passé avant, tu ne peux plus 10 minutes après ! Du coup les gens ne pouvaient pas reprendre leur vélo, leur moto. Certains sont restés bloqués parfois entre deux barrières pendant 2 heures, le temps d'attendre que l'ordre soit donné pour boucher l'autre rue! Etrange de voir le calme des Indiens: ils attendent sans rien dire. En France ça ferait un esclandre. En attendant c’est super pénible.
Je m’étais décidée à me payer un tour à l’extérieur de Pondi pour le festival des temples et pas moyen de clore la réservation puisque c’est tellement bien organisé cette venue du premier ministre, que les salariés n’étaient même pas au courant qu’ils n’allaient pas travailler pour cause de barrières. Bref…en tout cas cela m’a permis aujourd’hui de rencontrer dans ma Guest House un jeune américain très sympa et une française nommée Colombe qui vient de Paris. Du coup on commence à prévoir des petites choses ensemble et dès demain, je vais bosser avec eux au jardin de l’Ashram qui sert à maintenir en permanence fraîches les fleurs du Samadhi. On peut penser qu’aller cueillir des fleurs pour décorer une tombe ce n’est pas forcément très agréable mais il paraît que tout est beau et ne serait-ce que pour s’imprégner quelques heures dans une étendue de fleurs toutes cultivées biologiquement dans un calme absolu tout en sortant un peu de la ville, ça me tente vraiment. Du coup demain, je perturbe mon emploi du temps et je les suis. On part un peu avant 7h du matin car cela n’est pas sûr qu’on puisse atteindre le bus avec le blocage.
Là, je suis un peu fatiguée car j’ai enseigné l’iridologie à la clinique des yeux parfaits et moi qui pensait n’avoir qu’une ou deux personnes, je me suis retrouvée avec un petit comité de 6 personnes ce qui n’était pas prévu. J’ai eu un petit moment de trouble car je n’ai pas l’habitude de donner des cours à des adultes qui s’assoient tous avec un calepin qui plus est avec la présence d’une naturopathe et de son mari Allemands venus se greffer je ne sais pourquoi ni comment. Bref, je suis assez fière de moi car j’ai dû assumer, et en plus j’ai fait mon cours intégralement en anglais ! J’apprends de plus en plus de vocabulaire, il y a toujours une personne qui comprend le mot que je veux dire et m’aide à le formuler. Sinon ils font avec mes fautes et même si c’est bancal, le message passe. En échange avant, je continue à participer à la vie de la clinique où j’encadre autant les enfants que les adultes dans les gestuelles. On m’explique au fur et à mesure les exercices qu’ils pratiquent et du coup je me fais aussi petit à petit une nouvelle banque d’outils très intéressants pour mon retour. Un exemple : un homme est arrivé il y a trois jours avec une vue si basse qu’il ne voyait même pas la balle que son fils lui lançait. Trois jours de pratique et maintenant il la voit ! Qui plus est, il commence à reconnaître les couleurs, les chiffres. C’est impressionnant. Là je suis un jeune homme qui a eu un accident frontal à Auroville à la suite duquel il a eu une hémiplégie. Il a tout récupéré sauf son œil droit totalement bloqué. Il peut un peu le faire bouger à droite et à gauche mais les muscles ne répondent pas de haut en bas. La première chose qui lui a été dite c’est : vous allez récupérer. La seconde chose observée c’est une lumière qui a brillé dans ses yeux et je me suis dis que cette lumière a priori pour y mettre son éclat, a commencé la thérapie…Pour l’instant il est très difficile de superposer deux même cartes de jeu différentes. J’ai hâte de voir la progression. J’apprends aussi maintenant à mettre du miel dans les yeux pour des pathologies assez dégénératives comme la cataracte ou le glaucome. J’ai bien compris certains exercices donnés pour la myopie, la presbytie et l’utilisation du cache sur les yeux ainsi que la lecture à la bougie. Je me plaît bien dans cet apprentissage. Maintenant je commence aussi à faire des petites consultations aux patients et pour l’instant le retour est plus que positif, du coup j’ai de plus en plus de demandes.
Je ne peux écrire plus encore une fois car je suis littéralement bouffée par les moustiques et j’en souffre trop. Impossible de me concentrer. Heureusement les allemands m’ont donné un sage conseil qui est de refroidir au maximum mon corps, et du coup j’irai avec eux dans un lieu où l’on peut nager. Finalement c’est bien de donner car j’ai toujours après des propositions bienveillantes et je connais de plus en plus de lieux qui me permettent de m’ennuyer de moins en moins et d’apprécier finalement de rester.
Là je vais partir à pied de mon quartier car je dois acheter à manger pour mon petit déjeuner car j’ai enfin décidé pour deux trois jours de me priver de la nourriture de l’ashram qui me sature par tous les pores. D’ailleurs mes jambes commencent à gonfler car à l’évidence, je manque de protéines donc il va me falloir un peu tenter de remanger du poisson ou de la volaille sinon je pense que je suis bonne pour les cannes anglaises en prenant 20 kilos pour mon retour. J’ai un peu de mal à accepter ce changement physiologique qui me mine un peu…je vais donc tenter de me trouver une bonne papaye pour demain matin.

Ah c'est bien, Colombe vient de me montrer comment rebooster la box internet! J'apprends aussi que je peux mettre un peu d'alimentation dans un frigo, si ça ce n'est pas une bonne nouvelle!

mercredi 27 juin 2012

Ce matin, j'ai donc changé de Guest House à nouveau. Me voici revenue dans mon quartier préféré: Vaithippukam. ça a été un peu rude car mon rickshaw s'est pointé en retard au moment où j'étais déjà montée dans un autre. Du coup ça a été limite baston, et le type qui du coup s'est fiat piquer son boulot n'arrêtait pas de m'appeler sur ma ligne indienne pour vérifier que c'était bien moi dans le rickshaw d'à côté; C'est bien fait pour lui car la première fois il n'est pas du tout venu et j'avais dû me débrouiller dans mon quartier tamoul à trouver l'introuvable à l'heure du repas. Je n'ai pas fait exprès d'appeler le même, j'ai confondu deux numéros et là il se pointe en retard et bien tant pis pour lui...C'est système D aussi pour moi maintenant.

 Il n'y a rien à faire, je préfère retrouver le soir tard ces rues mal éclairées, ces petites cahutes végétales, les remontées d'odeurs et le bruit de l'océan qui frotte de son écume les façades arrières plutôt que l'allée blanche qui borde la ville. Ce soir, malgré ma fatigue et l'insatisfaction quotidienne de mon repas au dining-room de l'ashram- il m'a fallu sucer un simple noyau de mangue en guise d'un fruit et encore couper en menus morceaux mon pain dans un yaourt fadasse après trempage d'un riz blanc dans une soupe claire- j'étais bien heureuse de retrouver mon vélo et de traverser ce quartier. J'adore la nuit, car les maisonnettes sont allumées et l'on aperçoit l'intérieur, mais aussi l'organisation pour la nuit. La plupart des gens dorment dehors et sortent des nattes et même des espèces de lits en ferraille sur le devant de leur maison. D'autres époussettes le sol avec des balais de paille avant de s'installer qui sur une pirogue, qui sur les rebords d'une statue en front de mer. La journée avant le coucher de soleil, on voit les vieilles femmes entourées d'un ou deux chats- c'est le quartier des chats amoureux des pêcheurs!- en train de leur éplucher le poisson du jour. Tout le monde a l'air bien heureux dans cette simplicité et moi je retrouve le sourire que je perds parfois au cours de la journée car je donne souvent beaucoup de moi dans les départements et je suis souvent tiraillée par le désir de donner moins et de m'offrir plus...mais cela n'est pas si simple. La chambre me coûte trois fois plus cher que la première et il me faut faire attention si je veux arriver jusqu'à mi-août. Alors il m'arrive entre deux rendez-vous de déambuler des heures en plein soleil en cherchant l'inspiration...Zut, j'ai fait un faut geste et j'ai supprimé tout un pan de texte: ça m'apprendra à écrire directement en ligne mais je profite de ma connexion pour aller au plus vite.

Au dernier cours de yoga, je me suis blessée, un étirement qui n'a pas plus à un long muscle partant de la hanche. Du coup j'avais si mal que l'enseignante de l'école de Sri Aurobindo, m'a orientée de sa part vers la clinique de l'ashram qui du coup est gratuite. J'ai été reçue hier par un médecin assez rapidement qui m'a demandé de revenir aujourd'hui. Il m'a donné en complément de mon arnica, une poudre blanche qu'il m'a fait glisser dans la bouche et que je n'avais pas dans ma trousse homéopathique:Rhus tox.
Aujourd'hui je suis revenue, il y avait une femme, la kiné certainement et son assistante. Etrangement les soignants sont en short ce qui pour une fille étonne. Dans la ville certaines corporations obligent apparemment ce port vestimentaire qui pourtant pourrait sembler inapproprié dans un pays où l'on porte plutôt le sari et où l'on te fait comprendre que ton décolleté même très léger mériterait d'être couvert par un châle.
Pendant que j'attendais dans cette petite salle qui ressemblait à un mini hôpital de campagne, je lisais les affiches qui montraient des exercices de yoga pour soigner ses douleurs musculaires; Je n'ai pas tenté vue ma piètre capacité à sentir mes limites. La dame est venue me demander ce que je faisais ici, ne ressemblant pas vraiment à une ashramite et j'ai réussi en anglais à balbutier quelques mots mais j'avoue que là encore la langue des signes a été plus efficace. On dirait que mon anglais avec la chaleur s'évapore dès que j'en ai besoin. Elle a demandé à son assistante de me coller un pack de glace. Là, il m'a fallu demander si je devais me déshabiller. J'ai eu un hochement de tête mais limite en montrant 30 centimètres de peau blanche j'ai cru que je faisais un attentat à la pudeur. Cela dit, je ne vois pas comment recevoir des soins sans ce simple geste. Voyant la femme toute penaude avec son pack de glace et son regard un peu choqué, je lui ai fait comprendre que dans mon sac j'avais un "chââââle"...D'un coup d'un seul, son sourire est revenu, ouf, la petite blanche va disparaître sous sa couverte...et là je suis restée à me faire geler la cuisse pendant au moins une heure. La kiné est passée entre pour tout de même me caler un oreiller sous la patte mais elle s'est bien gardée de me regarder ou de me toucher. Je dois être une intouchable ici encore! Cela dit, après, elle a été très sympa, m'a demandé de revenir plusieurs jours pour mon heure de glaçage tout en me donnant d'autres sachets homéopathique. Quand même elle m'a rappelée en partant pour me tendre un grande plaque hansaplast à la belladone en me disant de la mettre dès que j'allais rentrer me reposer...sauf que j'ai enchaîné avec le département d'ayurveda me réchauffant la cuisse en pédalant à deux à l'heure sous 40 degré et que c'était un peu grillé si je puis dire pour bénéficier du froid. Là ça m'a un peu énervée car le médecin m'a demandé de revenir 40 minutes après car il n'avait pas fini un truc alors que je venais avec mes cours que je lui avais promis. Je suis donc repartie pour 40 minutes d'errance. Ensuite nous sommes restés à discuter pendant une heure et demi. J'ai un peu eu du mal car le vieux thérapeute d'ayurveda s'est joint à nous et m'a demandé des détails sur ma spiritualité et là j'étais bien emmerdée. Parce que bon, déjà expliquer où j'en étais vu mon passif sur ce sujet ce n'est pas simple, qui plus est en anglais, qui plus est avec un dévot, qui plus est avec quelqu'un qui te fait vite comprendre que tu ne connais rien sur rien et que ne pas connais les Upanishad et les Védas et je ne sais quoi d'autres c'est quand même rejeter les racines indiennes...Ben oui, je suis là pour ça d'ailleurs...bref, il est parti certainement écoeuré par la misère de mon savoir et pas la peine d'essayer de lui faire comprendre le cursus psychanalytique et la recherche personnelle sans gourou! Heureusement son petit collègue lui a bien été attentif et j'ai réussi à lui faire un peu passer ma pensée et ma façon de considérer la spiritualité. Dans ce type de discussion je peux dire que j'ai une dent forte contre mon anglais car j'accumule les blancs, et le langage des signes par contre quand il s'agit de philosopher c'est même pas la peine d'essayer parce que c'est comme si on creusait son propre trou pour s'y enterrer. Bon cela dit, rien de méchant mais je suis repartie bien plombée. Il me fallait encore marcher 20 minutes jusqu'à l'ashram, manger en face d'indiens qui rotent et se gargarisent la bouche devant toi - je ne suis pas intolérante mais sincèrement faut y être pour s'en donner une idée mais personnellement quand on me rote dessus la bouche ouverte de façon très naturelle toutes les 5 minutes, j'ai un peu de mal à cadrer la spiritualité du lieu. je finis même pas me dire que je vais finir au restau tous les jours seule à une table parce que je n'en peux plus par moment. Ensuite il m'a fallu marcher encore 20 minutes jusqu'à mon vélo, puis pédaler 10 minutes dans le noir. Je vous laisse imaginer ce que ma hanche en dit...mais il y a quand même moins d'inflammation depuis le cold pack.
Dans la Guest House j'ai fait la connaissance d'une vieille polonaise que j'ai encadrée à la clinique des yeux, mais je ne sais pas pourquoi, depuis que l'on m'a demandé de lui faire apprendre ses exercices, c'est à peine si elle me parle...
Là je suis toute seule dans la salle de lecture, entourée de livres de spiritualité dans toutes les langues. J'ai emprunté les propos sur l'éducation de Mother car le peu que j'en ai lu m'a vraiment intéressé. Franchement, au-delà de la dévotion que l'on peut ne pas trop vouloir suivre, c'est impressionnant en peu d'années, la quantité d'écrits et de projets que cette parisienne en coopération avec Sri Aurobindo le poète philosophe ont mis en place, organisant par ce biais tout une grosse collectivité qui fonctionne à la chaîne mais dans un esprit d'offrande...J'ai pas mal discuté avec une vieil homme qui travaille au Bureau de l'Ashram en lui demandant comment l'on pouvait demander à être volontaire. C'est en général pour une période de trois ans avant d'être intégré parmi les membres. Il m'a vraiment aussi asticoté de questions pour connaître mon parcours, mes motivations. Il aimait bien mon authenticité et le fait justement que contrairement à d'autres je ne m'enthousiasme pas - si je puis utiliser ce mot au sens étymologique du terme- avant d'avoir lu suffisamment d'oeuvres. Car ici, l'enseignement est individuel, et la mise à l'épreuve l'est aussi: personne ne nous prend la main, y compris pour la pratique du yoga ( du coup tu peux te faire mal parce que tu es rivé à ton corps et pas à ton esprit...seulement vu que j'ai du mal à saisir mon esprit, je préfère encore me rattacher à quelque chose que je visualise un peu plutôt qu'à un concept où je risque de me casser les deux pattes vu la fragilité de la chose actuellement...) Bref, je poursuis ce que j'ai décidé de faire: expérimenter le don de moi-même pendant plusieurs semaines, apprendre et enseigner et voir comment je me sens dans ce milieu tout en restant libre de regarder un peu ailleurs et d'en tirer des clés pour mes actions et choix à venir. ce qui est sûr c'est que je me plaît dans cette école et surtout à la clinique de la vision parfaite. D'ailleurs là, je vous le dis, j'écris les yeux fermés depuis le début. ( mais parfois je les ouvre ici quand tout est si beau...les jours pairs)

J'ai pris mon vélo pour me détendre et fuir un peu la ville. Il me fallait retourner dans mon quartier tamoul...Je développerai les détails plus tard car là je suis un peu crevée mais j'ai fait une autre belle rencontre sans rien demander...une femme assise devant sa porte en train de préparer le chutney à la noix de coco m'a invitée à m'asseoir près d'elle. Elle m'a demandé d'abord d'aller me chercher une chaise dans la maison mais j'ai préféré m'installer comme elle, à terre. J'avais oublié mon dictionnaire Tamoul mais le contact est si bien passé que j'ai eu le droit à la visite de la maison mais aussi à la présentation de toute la famille et peu importe leur état: le mari était torse nu sur la terrasse, un des deux grands garçons endormi sur le sol dans sa chambre. J'ai dû résister pour ne pas rentrer et le regarder dans son sommeil. Elle voulait absolument que je reste à le regarder! J'étais là, il fallait que tout le monde en profite! Bref, j'ai été invitée à revenir ce que j'ai fait. L'un des garçons travaille dans un hôtel près d'Auroville et l'autre est certifié de physique mais travaille dans une voie qui n'a rien à voir pour rapporter de l'argent. Ils étaient heureux que je puisse tenir compagnie à leur mère qui m'a fait un grand cours de cuisine. Très dur pour moi parfois car je n'ai absolument pas faim et il me faut accepter de goûter à tout et pas en petites quantités. Bon là je vous écris depuis ma nouvelle guest house où je peux me connecter mais je me fais bouffer par les moustiques et je pense m'enrouler dans une moustiquaire pour pouvoir poursuivre la connexion. C'est un enfer et je souffre beaucoup de ces sales bêtes ici. Donc j'écourte, désolée, ça n'est pas gérable...je reprendrai le fil plus tard.


Je suis très heureuse d’avoir dégotté ce petit bar à salade qui permet en prenant un petit thé indien- pas donné et pas très épicé- de se connecter un certain temps à internet. En relisant ce soir ce que j’ai mis sur le blog, je me suis aperçue que j’avais quand même laissé pas mal de coquilles donc je rétablirai cela la prochaine fois.
En rentrant avec mon ordinateur j’ai découvert une petite boutique que je n’avais pas vue auparavant. Lorsque je suis entrée j’ai tout de suite vu des tissus qui me plaisaient et comme depuis le début je me plante à chaque fois que je m’achète un habit je me suis dit que là peut-être je trouverai mon bonheur pour ne pas finir à ce rythme-là en sari version serviette de bain.
C’était un peu moins cher qu’ailleurs et deux pantalons et un haut me plaisaient mais pas question d’acheter sans négocier. Mais là, le type était ferme, il ne voulait rien savoir et préférait ne pas vendre car- et c’était vrai- il était vraiment moins cher que les autres. Mais moi ça m’énervait d’acheter sans rechigner ce que je pensais pouvoir avoir un peu moins cher. On a tenu ferme tous les deux pendant vingt minutes et finalement à force de discuter, au moment où je baissais les armes car il était vraiment inflexible et j’avais quand même envie de ce que j’avais trouvé, il a de lui-même fait un petit rabais. C’était donc sympa. En partant il m’a dit qu’il fallait que je revienne et là il m’a montré un « bol » en me disant qu’il voulait en jouer pour moi. Pourquoi, je ne le sais pas trop encore mais j’ai bien l’intention d’y revenir comme chez un autre qui m’avait un peu trop approchée mais offert un super bon thé tchaï comme à Delhi et j’avais fini par trouver le moment super sympa. Et comme je suis invitée, pourquoi pas ne pas se faire des temps de pause et de blabla même si au final ça ne débouche pas sur grand-chose sauf peut-être vider un peu plus mon porte-feuille – ils sont malins les types- parce qu’ils ont vraiment des trucs sympas. Evidemment, en arrivant, j’ai essayé les pantalons et encore une fois ça ne me va pas du tout, j’ai pris un truc sans voir que lorsque je lève la jambe je ressemble à un paon avec l’imprimé ! Bon c’est l’emblème d’ici mais quand même…je vais donc devoir acheter un haut plus long pour améliorer l’effet mais franchement, mes achats ne sont jamais une réussite. Faut dire aussi que pas moyen d’essayer alors ce n’est pas simple d’avoir le compas dans l’œil surtout que vis-à-vis de moi j’ai un gros problème de miroir déformant.
                En poursuivant mon chemin  au hasard des rues pour rentrer, je suis repassée devant un petit théâtre qui m’intrigue depuis mon arrivée. Comme pour m’appeler, une femme était en train de tracer un kolam avec la poudre de riz devant. Je lui ai demandé s’ils jouaient des pièces en ce moment. Elle m’a souri et m’a fait signe d’entrer. Encore un moment imprévu et magique qui va modifier je pense encore mon emploi du temps à venir. Le couloir extérieur tout en bois était peint en rouge, jaune, vert avec de très belles plantes et quelques statues en bois. Deux trois tables et quelques bancs en fond de cours et deux hommes assis m’invitant d’emblée avec un beau sourire à m’asseoir. Un peu intimidée j’ai dit que cela faisait longtemps que j’étais intriguée par le lieu et donc que j’avais décidé de pousser la porte. On m’a dit que j’avais bien fait. C’est vrai. Il s’agissait en fait du metteur en scène parlant parfaitement le français mais qui m’a laissé patauger en anglais avant de me montrer ses facultés, et un auteur. Il m’a invité à aller visiter le théâtre. Un super bel acteur indien m’a accueillie et montré la scène et les tréteaux pour le public. J’ai tout de suite été conquise. Leur dernière pièce, assez marrant vu le contexte, était Roméo et Juliette : Roméo le tamoul et Juliette une jolie hollandaise qui est apparue pendant la discussion. On a parlé de leur prochaine pièce puis nous sommes ressortis nous asseoir dans le patio. L’indienne qui m’avait fait entrer est revenue avec des verres de thé. On m’en a offert un ce qui m’a permis de discuter assez longuement. L’auteur venait de terminer la traduction des Fleurs du Mal de Baudelaire en Tamul. J’ai feuilleté le livre et c’était assez marrant à voir…mais surtout à entendre car j’ai demandé au metteur en scène de me lire un poème : j’ai choisi l’albatros. J’ai trouvé qu’il me le lisait un peu trop rudement mais bon, je n’ai quand même pas osé la critique qui aurait été je pense déplacée mais c’était  vraiment sympa. Cécile est arrivée avec une pelote de fil tout emmêlée et a commencé à imiter les pêcheurs. Nous avons entamé la conversation et nous sommes de suite bien entendues. Designer de formation, après deux  ans passé en Inde surtout dans le Kerala où elle est passée aussi dans un ashram (dont je vais récupérer l’adresse…), elle a été d’abord embauchée pour faire les costumes et de fil en aiguille le metteur en scène a décidé qu’elle serait aussi actrice ! Du coup, il lui a fait un petit contrat et elle revenue avec un visa de travail. J’ai adoré cette petite histoire. Je lui ai parlé de mes projets et nous avons décidé d’un commun accord que je reviendrai pour les répétitions, qu’après je pouvais quand je le désirais venir partager leur repas. Ils m’ont assuré que leur cuisinière était au top, alors évidemment, un peu usée de la monotonie de l’ashram, ça me tente…aaah diabolus in musica, te revoilà à modifier ma Sadhana ! Maudit sois-tu ! Je m’en fiche, le lieu est trop magique, les anecdotes délicieuses. Je me suis pris quelques bogues de palmier ou de je ne sais quoi sur la tête car le patio est pile poil sous des arbres  à coques et la bâche bien étroite pour tout canaliser. Bref, nous avons échangé nos numéros de téléphone, j’ai proposé de venir l’aider à démêler ses fils si besoin était et elle a accepté mon aide. Du coup, ça me permet en dehors de l’ashram d’avoir d’autres contacts dans un cadre que j’aime particulièrement. Nous avons parlé d’un auteur que j’adore : Olivier Py, car ils commencent à travailler le prochain spectacle sur la guerre. Ils vont je crois mettre en scène le Mahabharata ( orthographe à vérifier). Si je peux je prendrai quelques photos du lieu, déjà de l’extérieur pour peindre le cadre d’un lieu qui ne peut qu’attiser l’intérêt. Qui plus est, toute l’équipe est sympa et rigolote : trois acteurs qui se battent en duel, ils rament comme toute petite compagnie sans aucun financement. Quant aux liens avec l’ashram : aucun.  Ils sont pour eux une épine dans le pied et personne de la communauté ne s’intéresse à leur création puisqu’un théâtre est réservé ailleurs où n’entrent que les  ashramites. J’ai un peu de mal à piger ses murs qui stigmatisent le rejet et la peur : n’est-ce pas contraire à une spiritualité correctement investie qui devrait être intégratrice ou au moins empathique à l’œuvre des autres ?
Je me suis évidemment encore battue avec l’un des gérants de la Guest House pour obtenir mes tickets repas à venir, il ne voulait pas me les vendre en me disant d’aller les acheter chez la première…( là où j’ai loué mon vélo). Dans le genre je m’acharne ils sont gratinés. Mais là encore, j’ai été très ferme en disant : «  Je suis là, j’ai besoin des tickets, ce matin vous m’avez dit de revenir ce soir, je suis là, vous me vendez les tickets. Point. » J’ai sorti mon billet, je l’ai posé sur la table en le remerciant sans le quitter du regard et il a fini par sortir sa souche et me sortir mes coupons. Franchement ils sont super chiants.
                Petite partie de plaisir au dining room a raconter. C’est incroyable ce que font les indiens avec la nourriture. Ils sont toujours en train de faire des trucs bizarres et souvent très bruyants. Bon, celui qui pèle sa banane comme une pomme en laissant le trognon ne fait pas trop de bruit, ou celle qui se prend trois plateaux à la suite en remplissant une bouteille avec tous les bols de laits puis en la nettoyant avec du jus de coco par l’extérieur non plus, mais ceux qui touillent de manière frénétique leur nourriture avec un bruit de locomotive affolée en mélangeant la banane au sambar et en la trempant dans le riz tout en sortant en douce une petite boîte qu’ils rajoutent à leur plateau tout en lançant des regards aux autres qui les espionnent entre deux méditations c’est assez jouissif parfois. Je n’ai jamais vu autant de gens bourrés de tics et de tocs que dans ce lieu. D’ailleurs malgré parfois le sérieux qui s’impose dans ce lieu, je vois bien s’échanger des regards amusés ou des rires refoulés avec une certaine connivence. J’essaie souvent d’oublier cet environnement pour me concentrer mais parfois c’est si drôle que c’est dommage d’en rater une miette. Je dois aussi quand je fais la file indienne pour mon plateau souvent maintenir fermement ma verticale pour confirmer ma place dans ce lieu parce que parfois quand mon suivant ne semble pas trop satisfait de l’inconnue que je suis devant eux, ils me poussent littéralement avec leur ventre et me marchent sur les chevilles pour me faire avancer plus vite comme si entre eux et celui qui me précède il y avait un grand blanc (le blanc ou la blanche…c’est moi !). Un ou deux regards et coups de fesses me permettent de les remettre à leur place et je n’hésite pas par un signe de tête à les renvoyer à la citation de Mère indiquant à ceux qui jugent négativement les étrangers ou les nouveaux de se tenir à leur place et de réprimer leurs pensées. Et toc. En plus, les membres ont droit souvent à beaucoup plus de contenu et moi quand je demande un peu plus on me fait comprendre que je dois crever la dalle et que j’abuse. Tout ça en langue des signes mais c’est assez explicite pour que je comprenne le message. Heureusement c’est comme le reste, il y a les bons jours où l’on commence à s’habituer à ma présence et quand je soulève mon plateau pour exprimer mon besoin d’en avoir un peu plus, la louche suit. Bref, soit c’est trop, soit ce n’est pas assez, mais en tout cas, je tiens le cap et j’ai appris à ne plus glisser sur le sol gluant en rapportant mon plateau. J’ai l’impression que mes pieds ont pris le pli, peut-être en inaugurant un mode ventouse et même ma bouche ne fait plus trop la moue, c’est vous dire le parcours que j’accomplis…
Actuellement, je finis souvent mes soirées bout au vent, la narine humant l’iode et la langue léchant les flocons salés qui se déposent sur mes lèvres. Tous les soirs le vent se lève et c’est un délice sous la lune d’observer l’explosion de l’écume sur les rochers.
Là je me fais encore bouffer par les moustiques et franchement Pranarom peut revoir son mélange d’huiles essentielles pour tenir à distance les bestioles. Chaque nuit je m’enferme dans la moustiquaire avec un moustique et ça tourne au carnage : d’abord moi, après lui…

dimanche 24 juin 2012

Mes coups de coeurs animaliers


Pondichery (en résumé...hum)


Pondichery.
Difficile de rattraper par l’écriture les dix premiers jours passés à Pondichery. L’arrivée a été assez éprouvante car mon chauffeur de taxi était plutôt un chauffard et sa voiture une récupération de casse. Quand j’ai vu les fissures sur la vitre avant et l’absence de ceinture à l’arrière, j’ai compris d’emblée que le trajet n’allait pas être une partie de plaisir. Quant à l’air climatisé, c’était rien de plus qu’un peu d’air chaud qui filtrait de l’avant mais il insistait pour me dire que c’était ça l’air climatisé. Bref, j’ai réussi quand même à le persuader que je ne partirais pas sans ceinture et il a fini par faire le tour de la voiture et me décoincer un embryon d’attache sous le siège. Je me suis retrouvée assise en position centrale, pas très confortable mais bon, c’est l’Inde et on s’adapte. Trop fatiguée aussi pour tenter de le planter et de prendre quelqu’un d’autre. J’aurais peut-être dû quand j’ai vu la conduite par la suite : j’ai dû le secouer à un moment car il s’endormait : je voyais qu’il ralentissait et se rapprochait dangereusement du petit muret en béton. Un coup d’œil dans son rétroviseur m’a permis de voir qu’il conduisait les yeux fermés et je lui ai carrément choppé les épaules en lui disant : «  Mais tu dors ? oh oh ! » Non, « mam »…Ben si « mam », tu dors pépère et je ne vais pas te laisser me foutre dans le bitume. Du coup je lui ai tenu le crachoir comme j’ai pu tout en tentant de rester la plus zen possible quand il doublait face à un bus ou une vache en esquivant au dernier moment quitte à toucher carrément les autres véhicules. Finalement c’était pas mal la position centrale ! Bref, j’ai dû aussi renégocier la route que je voulais prendre car il ne voulait pas passer par East Cost Road comme c’était prévu et moi j’avais très envie de parcourir ce chemin. Donc j’ai été assez ferme et finalement on a pris cette route. Evidemment à l’arrivée, il ne connaissait pas l’adresse et vu que je logeais dans le quartier traditionnel où pas un numéro ne se suit, j’ai passé bien une demi-heure de plus dans la chaleur de la voiture à attendre que monsieur le non dégourdi trouve son information en demandant à chaque coin de rue. Et autant vous dire parfois que demander sa route à un indien c’est un peu décider après si on ne devrait pas prendre le chemin opposé pour trouver.
                Bref, je suis arrivée et je suis à nouveau assez fière de cet autre défi.
La guest house  de l’ashram Ayodhya Bhawa est très bien tenue. La femme qui s’en occupe est simple, autant que peut l’être la chambre mais on se sent comme chez soi, sans aucun jugement. Il y a certes des règles comme ne pas boire ni fumer, ce qui pour moi n’est pas un problème , ou rentrer avant 22heures mais on se sent tranquille d’aller et venir et de se comporter naturellement comme ce n’est pas le cas dans d’autres lieux comme je l’expliquerai plus tard.
Le souci qui m’a obligée à quitter ce lieu vraiment pas cher : pour moins de deux euros par jour on dort, on a le ménage, des facilités pour acheter les tickets repas de l’ashram, pour louer un vélo ou réserver un rickshaw pas cher- c’est le bruit la nuit et le jour. Dans le jardin sur lequel s’ouvrent les fenêtres, il y a un arbre à corbeaux : ne vous imaginez pas trois corbeaux de petite taille. Non, c’est un enfer : des milliers d’énormes corbeaux y logent et font la fête jour et nuit, drainant même sur les rebords des chambres des bouts de repas : sardines des pêcheurs alentours, riz, bouts de fruits. Il faut se battre pour éviter qu’ils ne rentrent dans la chambre. J’ai prévu la moustiquaire mais pas l’anti-corbeaux en venant ! La nuit, les chiens se battent à mort, les chats s’étripent…et il fait bien sûr très chaud avec un ventilateur qui imite le bruit de la bétonnière qui fonctionnait le jour quand ce n’était pas les coups de marteaux sur le toit. Bref, épuisée, j’ai dû changer mais là encore, je vais devoir encore déménager car Park Guest House où je me suis retrouvée après une semaine est trois fois plus chère, pas forcément plus silencieuse et les corbeaux sont remplacés par le rituel indien du matin et de la journée d’ailleurs qui est de se racler la gorge et de molarder en permanence au point de réveiller une souche. Et franchement, je préfère les corbeaux. Il y a aussi des travaux, comme dans toute la ville d’ailleurs ce qui est assez impressionnant, extrêmement bruyant et fatiguant. Par ailleurs, ici les gérants sont carrément désagréables, refusant de te dire s’ils pourront te garder une semaine ou plus : à leur bon désir…Refus de faire entrer ton vélo loué ailleurs si ce n’est pas loué plus cher chez eux : ça j’ai réussi à le négocier vu que je reste vraiment longtemps à Pondi et que s’ils ne peuvent pas me promettre de me garder je ne vais quand même pas non plus changer de vélo chaque semaine pour leurs beaux yeux…Puis je n’ai pas apprécié leur réflexion quand je suis arrivée avec un tee-shirt à peine au-dessus du nombril, me proposant de me vendre un haut couvrant. A côté de ça, ils tolèrent des nanas en jupe et en débardeur parce qu’elles sont avec un homme qui doit les intimider un peu. Après partout on lit des sentences très moralisatrices de ce qu’il faut faire ou non et cela dans un climat d’intolérance assez flagrant. Ce qui pour ma part s’oppose directement au discours de Mère que je découvre petit à petit plein d’amour justement et de respect pour ceux qui apprennent et évoluent à leur rythme. Un exemple que je traduis en français : «  Respectez ceux qui fument et boivent ici car ils ne seront pas longtemps parmi nous. » C’est à double sens, et je trouve cela assez abominable. A côté se trouve une poubelle fermée et au-dessus, une liste de mots de défauts à y jeter…Bon on peut comprendre le côté positif mais à force c’est assez pénible à chaque coin de porte d’avoir à lire ce que chacun doit apprendre à trouver en soi lors de ses recentrements et expériences d’évolution spirituelle et surtout de sentir sur soi à chaque fois que l’on passe devant les gérants un regard qui nous déshabille de la tête au pied .
Heureusement, grâce à mes rencontres dans les départements de l’Ashram, j’ai un bon conseil pour ce qui pourrait être mon lieu à venir, j’en dirai plus bientôt. Mais je pense revenir justement près de la première Guest House dans ce quartier de Vaithippukam que j’affectionne particulièrement depuis le début de mon séjour et qui me manque terriblement le matin quand je me lève à 5h30 pour commencer mes activités. Ce qui est sûr c’est que je dors trop peu, marche beaucoup en plein soleil et qu’au-delà de points plus que positifs, je suis très fatiguée.
Le quartier de Vaithiukkam est le quartier Tamoul de la ville, un peu excentré : il faut marcher 15-20 minutes pour se trouver au centre de ce qui donne à voir une véritable vie traditionnelle : quartier des pêcheurs où les filets se déroulent de rue en rue avec des hommes qui ne cessent de réparer, enrouler, tisser leur outil de travail ; maisons en paille, feuilles tout le long de l’océan où vivent des familles entières : la vaisselle, la douche, le repas, une bonne partie de la nuit se fait dehors et lorsque l’on passe devant à pied, il faut petit à petit se faire adopter : attitude, regard, sourire, intérêt, salutations…Pour moi c’est un pur bonheur ce trajet. Chaque matin, au lever du soleil, la vie s’anime : les petits enfants sont habillés pour l’école, les femmes dessinent de magnifiques kolam sur le sol : dessins sacrés colorés ou non devant leurs portes pour attirer le bien, rejeter le mal, et pour nourrir aussi les oiseaux et les insectes (sauf que de plus en plus, ne sont plus utilisées graines et épices mais poudres synthétiques…). Dans les campagnes, parfois ces dessins sont faits avec une bouse de vache au centre- la vache étant sacrée ne l’oublions pas. A titre d’exemple, en me baladant dans le quartier très vivant du grand marché de la ville à l’Ouest, une vache s’est arrêtée au milieu des gens et s’est mise à uriner très fort sur le sol. Inutile de vous dire que pour ma part j’ai fait quelques pas en arrière ! Quel ne fut pas mon étonnement en voyant une marchande aller recueillir avec ses mains l’urine et la balancer sur son étalage !! Je me suis dit que j’allais  peut-être regarder de plus près ce que j’allais acheter sur ce marché !
Pour en revenir à mon petit quartier préféré, il faut vous imaginer l’océan, ces petites maisons en bordure, des montagnes de détritus sur lequel se nourrissent plein de petites chèvres, des bateaux de pêcheurs multicolores, des chiens qui se roulent de bonheur dans les filets  qui leur servent de toboggan et de terrain de jeux…en tournant la tête on aperçoit ici une chienne debout qui allaite ses 5 ou 6 chiots avec une bande de petits enfants quasiment nus, avec un petit collier autour de la taille et une petite ficelle entre les fesses ; un homme assis devant sa maison en train de regarder dans une bassine sa poule dont les œufs sont en train d’éclore avec plein de petits poussins autour ; ces femmes aux saris multicolores accroupies avec leur poudre de riz qu’elles répandent de façon parfaite pour dessiner des parterres colorés. A côté, en face, derrière, entremêlées se trouvent des maisons en dur peintes en vert, bleu, magenta. Portes entrouvertes, on aperçoit les familles allongées, les casseroles empilées, la télé souvent à fond le soir. Le soir, les filets de pêcheurs deviennent phosphorescents, les hommes handicapés restent sur le bord de leur maison et t’observent d’abord, puis lorsqu’ils ont confiance te sourient puis te saluent pendant que d’autres dorment allongés dans leurs embarcations de bois. Il fait noir mais les cyclomoteurs, vélos, enfants nus, chiens, chats, femmes, poules se croisent sans se percuter : le troisième œil doit vraiment exister, quant à moi, peu rassurée au départ, j’ai pris l’habitude aussi de m’orienter un peu à l’aveuglette, prenant mes repères d’une maison à l’autre où je reconnais les habitants. Les femmes jouent en groupe à des jeux de société sur le sol : ils sont fabriqués simplement mais beaux parce qu’utiles et uniques. Les jeunes garçons jouent aux boules ! Oui ! Comme à Toulouse, mais ils se servent de pierres plus ou moins grosses et j’adore les regarder s’amuser. Les aînés quelques rues plus loin, au-delà des maisons végétales jouent avec des vraies et organisent de véritables concours. Les jeunes vivent en bande et se mettent à chanter ce que j’imagine être des chants de drague quand je passe devant. J’ai de la chance, à chaque fois que je me fais aborder et c’est assez régulier, il me suffit de deux trois phrases ou regards pour qu’on me laisse poursuivre mon chemin. L’habitude du trajet aidant, les premiers mots échangés avec les pêcheurs, les femmes, ont fait cesser les premières harangues par forcément toujours agréables du moment et ont fait place à des signes de main amicaux. Un peu plus au nord encore, c’est une vie encore plus traditionnelle qui s’établit et c’est de là que partent le matin la plupart des pêcheurs. J’aime y aller, les regarder arriver à terre, attendre les vagues pour faire remonter leur bateau et le ranger ; sortir leur filet garni de produits de la mer accroché sur un long bout de bois. Je suis épatée à chaque fois de voir les hommes et femmes indiennes porter des poids énormes. Dans la ville, je suis assez choquée mais je m’y habitue, de voir  jusqu’au soir très tard les femmes travailler aux travaux publics, ramassant les pierres dans des plateaux énormes, nettoyant les chantiers dans un nuage de bruit, de pollution tout cela pieds nus et sans protection. A l’heure du repas, tous ouvrent leurs gamelles et mangent à même le sol puis s’endorment où ils peuvent pour faire une petite sieste.
                Les poubelles, il n’y en a pas souvent. Les gens jettent au sol, les animaux mangent ce qu’il y a à manger, et régulièrement des tracteurs passent. Des femmes avec un balai regroupent les détritus et les mettent dans la benne. Travail d’une pénibilité incroyable au milieu d’une odeur pestilentielle. Personnellement je passe souvent en apnée dans certains lieux. Depuis que j’ai loué mon vélo à une adorable personne qui m’assure un super service pour seulement 600 roupies par mois, j’arrive à passer plus vite là où il ne fait pas bon trop humer.
                Cela n’empêche que dans ce petit quartier, les indiens ont une très bonne hygiène : je les vois toujours se laver dans des recoins, j’entends les gamins rechigner quand on essaie au milieu des cailles de leur couper les ongles ou de les obliger à finir leur petit déjeuner pendant qu’on leur tresse les cheveux- pour les filles- avant d’aller à l’école. Tous les jours des marchands ambulants passent pour leur vendre qui des fruits, qui des tissus, qui des gamelles. Devant les maisons s’organisent des Street Food, des petites échoppes à peine éclairées apparaissent et c’est tout une jolie petite vie de quartier qui s’exprime.
                A force d’arpenter la ville et ce quartier en photographiant les Kolam, j’ai été beaucoup abordée et finalement, j’ai eu mes premières balades en scooter sans casque avec un italien qui m’a beaucoup parlé de ce qu’il en savait, mais aussi du sens des activités spirituelles de l’ashram. J’ai eu un peu de mal à comprendre au début l’extrême dévotion au-dessus du tombeau de Mère et Sri Aurobindo, mais depuis que je commence pour mon plus grand bonheur à travailler au département d’Ayurvéda, à la clinique des yeux parfaits et au centre d’éducation de l’Ashram, avec de plus en plus de conversations, d’expérimentation surtout, de lectures, je commence doucement à prendre conscience de l’extrême densité du parcours de ces Gourous qui ont laissé par leurs écrits et leurs actions un immense savoir tant pratique que théorique oeuvrant à un véritable développement global de l’individu. Ce matin, après l’atelier lecture dans la classe de ce qui correspond aux CP du département éducation, j’ai été bouleversée par la qualité et la densité des savoirs de ces enfants tamoul parlant en anglais qui sont dans une école où tout est en français, lisant et écrivant comme des élèves de cycle 3- en français- qui plus est, apprenant le sanskrit écrit et oral, puis plus tard l’écrit anglais et tamoul, agiles en modelage, menuiserie, dessins, musique, tout cela sans aucune note, dans une évaluation permanente, progressive et absolument naturelle. Les enseignants travaillent dans un calme, une rigueur, une souplesse qui laisseraient rêveurs le ministère de l’éducation nationale français. J’ai pu voir la nullité du lycée français pour les français de Delhi du même âge et là, franchement, ça me fait franchement rire de voir le vide qui règne sous un horrible protocole et de bas apparats moyennant des finances de la part des parents délirantes avec un résultat super négatif pour des enfants qui en souffrent beaucoup. Ici l’école est gratuite. Je ne connais pas encore suffisamment le dessous des cartes donc je ne veux pas non plus trop idéaliser mais rien n’est moderne, les livres datent des années 70, les référentiels dans la classe sont faits manuscritement à l’ancienne par les enseignants mais rien n’est inutile, tout est totalement fonctionnel, les salles de menuiseries, de musiques, d’inspiration comme ils les appellent sont parfaitement bien outillées et rangées. Tout est récupéré, utilisé, non gaspillé. Les enfants ont une liberté dans la progression de leur savoir impressionnante tout en étant vraiment guidés du début jusqu’à la fin de leurs études dont ils sortent avec un certificat reconnu dans toutes les universités.
                J’ai la chance d’avoir pu y entrer car normalement c’est interdit aux « visiteurs ». Qui plus est, aujourd’hui on m’a annoncé que je pourrai commencer à y travailler pendant ce mois et un peu plus qu’il me reste quitte à revenir plus tard ce que j’ai bien l’intention de faire.
Depuis le début, j’ai une chance incroyable dans mes rencontres et ça n’est pas du hasard car à chaque fois je demande dans mon for intérieur et ça arrive. Beaucoup de choses se passent dans le silence du temps repas à l’ashram. La nourriture est loin d’être raffinée mais j’ai accepté de croire la phrase de « Mère » disant que tout y était en suffisance pour être en bonne santé et pour la pratique de la Sadhana : ce développement parfait et intégratif de l’être. Mange et fais confiance : je fais ainsi, ce qui me change de mon passé, et hormis une fois où j’ai été carrément malade, tout se passe très bien. Cela ne m’empêche pas de temps en temps d’accepter de manger une fameuse dosa dans une maison tamoul ou un super bon thé massala tchaï. J’ai été mise en contact dans le quartier tamoul avec une indienne qui apprend le français pour rejoindre son mari en France. Depuis nous sommes amies, elle m’initie au tamoul, aux kolam, je luis corrige son français en échange. Sa mère et sa tante nous rejoignent souvent et se vautrent sur le sol en mangeant à n’importe quelle heure la cuisine de mon amie en mettant la télé à fond et surtout des films de combats. C’est marrant et les hommes, hormis un frère, ont l’air absent dans cette maison. Moins marrants les moustiques qui me dévorent les pieds et difficile de se plaindre. Alors je mange ce que l’on me donne même en plein après-midi, et je me gratte en sortant !
                J’ai été abordée aussi par Jack, un jeune tamoul bilingue, super cuisinier français et indien ; Il m’a présenté à je ne sais combien de cousins, frères et à sa mère qui fait de la street food. Là encore, je n’ai pas pu refuser de manger ses beignets et franchement, ils sont trop bons. Je n’ai pas hâte de me peser mais je marche tant que bon, j’essaie de me dire que je ne suis pas là non plus pour être une frustrée. Je passe aussi beaucoup de moments difficiles car les repères ça ne vient pas tout seul et ça me demande beaucoup d’énergie, parfois beaucoup d’angoisse car je dois me débrouiller seule avec la langue, une autre culture, d’autres lieux. Pondichery est une ville accessible mais quand même.
                J’adore aller à la clinique des yeux : je suis d’abord allée me faire examiner par un super ophtalmologiste qui ne m’a pris que 100 roupies soit même pas deux euros la consultation ! Puis un protocole d’exercices m’a été donné à faire et c’est un pur bonheur ! Bain de soleil pour les yeux, balancements en groupe dehors devant des grilles en clignant des yeux sur un certain rythme, apprentissage de points d’acupressure sur les mains, les pieds, le visage ; séances de palming, jeux avec des balles, balnéothérapie chaude, froide des yeux et surtout conversations super intéressantes avec les intervenantes souvent formées à l’ayurveda. D’ailleurs un autre échange commence à combler mes journées puisque le soir je vais former deux docteurs en naturopathie et ayurveda aux bases de l’iridologie. Les quelques expériences sur eux-mêmes que j’ai faites les ont tellement convaincus que maintenant le vieux maître m’initie à l’ayurvéda et le matin je vais dès 6h45 au yoga de la santé que j’apprends. L’après-midi maintenant j’y vais quand je veux, je peux y étudier, poser les questions que je veux et examiner les patients avec mes outils et continuer de former les deux docteurs. J’adore parler avec le vieux bonhomme qui a une cataracte impressionnante comme beaucoup d’indiens fort consommateurs de laitages…une preuve de plus du mal que fait le lait au-delà de son origine sacrée…S’il n’y a pas de patients- les consultations sont gratuites aussi, je vais commencer à m’impliquer dans la préparation des médecines : plantes, huiles…j’adore tous les récipients empilés, les odeurs…je suis vraiment dans ce qui me fait vibrer et en plus j’ai vraiment accès à des lieux totalement fermés au public et tout ça comme une réponse naturelle à mes demandes. J’y suis allée à chaque fois simplement en commençant à donner mon savoir et à chaque fois de nouvelles portes s’ouvrent et j’accumule dans mes cahiers des papiers m’autorisant à aller dans un lieu puis un autre sur recommandation. Comme par hasard à Park Guest House, ils sont plus sympas avec moi depuis qu’ils voient en moi plus une ashramite qu’une touriste : ça n’empêche que je pense quand même partir. Je dois aussi recevoir bientôt une doctoresse de la clinique des Yeux intéressés par l’iridologie. En échange j’ai déjà son amitié aussi, une belle initiation  à quelques techniques concrètes utilisées pour la santé des yeux, un suivi en ayurveda également…
Enfin, dans le département Fleurs en flacon où l’on trouve les huiles essentielles- pas trop à conseiller vue l’origine plus que douteuse de la plupart…- et les huiles, onguents, j’ai fait la connaissance d’une française qui a plongé dans ce milieu, très sympa avec de belles connaissances aussi à échanger.
Bref, je n’ai pas le temps de m’ennuyer, pas trop d’écrire non plus, mais je m’autorise aussi des temps de vadrouille et des petits déjeuners après le yoga- car je zappe celui de l’ashram pendant cette heure et demie où je me fais bouffer par les fourmis sur le sol à l’extérieur…- dans une cantine qui me prépare des dosa et oopadusha végétariennes super bonnes. Pour l’hygiène c’est moyen mais je ne suis jamais tombée malade ici par contre. Je reste un peu rebutée par le gros cafard qui m’a filé entre les pieds dans les cuisines de l’ashram où l’on patauge pieds-nus sur un sol visqueux en allant refiler nos plateaux à laver, mais ici il faut passer outre…beaucoup de choses doivent être oubliées ici, sinon on ne reste pas pour approfondir et c’est de cela qu’il s’agit : aller vers le centre, et ne pas passer son temps à pousser du pied ce qui nous dérange…d’ailleurs ça ne fait pas de mal d’être un peu dérangée…
Là, je file à Vaithipukkam, j’ai promis à mon amie de passer. Je n’ai pas faim mais je sens bien que je vais devoir manger un bout encore… !
                Très heureuse d’avoir revu Midouna. Je suis contente pour elle car elle est acceptée à l’Alliance Française pour des cours de français qui lui permettront de retrouver son mari en France. Nous avons passé pas mal de temps à échanger des notions de tamoul et de français. J’avoue pour ma part oublier très vite ce que l’on me dit mais je commence quand même à retenir quelques mots histoire de faire rire les gens quand j’essaie de les prononcer.
Autre bonne nouvelle, je suis allée me renseigner pour une chambre à Mother’s guest House en face dans ce même quartier et lorsque j’ai vu la maison j’ai eu le coup de foudre. Vraiment. L’intérieur est remarquablement propre, bien agencé, avec une grande salle de lecture, une autre de méditation yoga mais surtout la terrasse surplombe toute la ville avec une vue imprenable sur ce quartier que j’aime temps et l’Océan. J’ai donc ma chambre réservée côté océan et j’en suis ravie. Pour une fois, elle ne ressemble pas à une chambre de prison : elle est plus petite que les autres mais très claire, moderne, avec un joli balcon où je peux contempler des heures les vagues ! Le prix reste correct, donc c’est un bon compromis entre les deux précédentes guest house. Je ne sais pas encore comment je vais m’y rendre, en rickshaw probablement mais en tentant de ne pas me faire entuber comme la dernière fois.
Heureusement que j’ai trouvé cette alternative car j’ai bien cru décoller la tête d’un indien là où je tente de vivre sans embêter personne. Toujours cette histoire de vélo non loué sur place. Bien que l’on m’ait donné l’autorisation de parquer le mien dans l’enceinte, tous les matins on me saute dessus en me disant « mam, vélo, mam vélo » et là franchement, ça a commencé à me prendre le chou et j’ai remonté les bretelles au gardien en lui précisant qu’il valait mieux pour lui maintenant qu’il me lâche les baskets. C’est marrant parce qu’il y a des jours en Inde où tout est possible, se passe admirablement bien, et des jours où on ne cesse de t’emmerder. J’utilise à juste titre ce mot parce que ça va du gardien dès le matin, ensuite la nana de l’accueil qui te fait piger depuis qu’elle a aperçu un bout de ton nombril que tu es une fille pas comme il faut, au tailleur qui te coud ta robe à l’envers ( super pratique de se balader avec des pans de couture qui ressemblent à des moignons d’ailes), aux mecs super pénibles qui te coupent la route et te scotchent en chantant des airs qui franchement sentent le fauve avec des regards qui te donnent envie de leur couper ce qui pend, jusqu’au dining room de l’ashram qui parce que tu fais parti du peloton de la fin, a décidé de ne pas prendre ta vaisselle et t’oblige en file indienne à laver sans savon et avec tes mains tes bols tout collants dans un bac assez écoeurant…Bref, c’est une petite synthèse qui fait que parfois on a envie de repartir mais…la roue tourne et d’un seul coup, parce qu’a priori mieux vaut rester assez ouvert, tu repasses un bon moment qui en enchaîne d’autres.
Anecdote marrante hier soir : je n’avais envie de parler à personne vu que depuis le début de la journée tout le monde était assez désagréable sans que j’ai fait quoi que ce soit- l’océan étant agité je me suis dit que c’était dans l’air… et après ma super vaisselle à l’ashram, je suis allée me poser devant l’océan pour prendre un peu d’embruns et juste écouter le fracas des vagues sur les rochers en observant les fous avec leurs bébés dans les bras jouer à être de dos pour se faire éclabousser au risque de partir dans les fonds avec toute la famille… A un moment j’ai vu une ombre approcher et je me suis dit : crotte un mec de plus à mes basks. Ça n’a pas loupé, j’ai entendu : «  Hi ! » Alors super froidement j’ai répondu :  « Hi » et un grand silence s’est établi mais le scotch restait…finalement il a commencé à parler mais contrairement aux autres de la journée, il s’est avéré que c’était un étudiant ingénieur sympa, venu en stage dans la ville pour mettre en place le mécanisme d’une confection de cookies…je ne sais pas pourquoi ça m’amusait…Bref, la causette est partie et on a fini par s’asseoir sur un rocher en tentant d’éviter les détritus qui jonchent les entre rochers. Comme à chaque fois que je parle avec un homme, je mets le maximum de distance parce que je connais d’emblée les questions qui vont venir : «  husband –name-old- first time in Pondichery- alone.. » Gnagnagna…et sérieusement s’il y a un truc qui ne m’intéresse pas c’est ce type de relations…Bref, sauf qu’à un moment, le mec, qui justement pour une fois n’avait pas trop abordé ces questions me dit «  Insect ! insect ! » Sur le coup je ne pige pas : il faisait noir, le bruit des vagues…mais finalement je tourne la tête et gniiiiiiii, je vois un gros scorpion marronnasse : et j’ai sauté dans les bras du type pour me relever en explosant d’un rire nerveux…Bref, il s’est marré, et ça a rompu la glace et on est allés marcher et j’ai trouvé le premier garçon qui le lendemain allait visiter un musée et m’a raccompagnée en me disant qu’il avait passé une bonne soirée sans demander à me revoir ! Youpi tralala !
                Un soir avant, j’avais aussi fait une jolie rencontre. En rentrant du dining room, je me disais que j’avais une envie de sucre, mais comme d’habitude je résistais. En arrivant sur Goubert Avenue le long du golfe, j’aperçois tous les gamins qui vendent leurs ballons, jouets lumineux pour se faire quelques roupies. En général je passe mon chemin. Mais là, en dépassant une petite carriole de glaces, je vois un petit indien avec son plateau de balles fluo autour du cou scotché contre la carriole à regarder les gens s’acheter des glaces. Je continue à marcher et l’enfant court me rejoindre et me demande de lui acheter une balle. D’abord je dis non, je lui explique comme je peux qu’on ne peut pas donner en permanence de l’argent. Il était beau comme un ange, avec un gentil sourire. Et là, au lieu d’insister il me dit moitié en tamoul moitié en anglais «  Je veux ice-cream ! » Sur le coup ça m’a un peu troublée…il restait à côté de moi. J’ai donc entamé la conversation en lui demandant son prénom, son âge ( même questions débiles que je n’aime pas que l’on me pose mais bon…). Je finis par comprendre que pendant qu’il fait ça, son père conduit un rickshaw à vélo et qu’il n’a pas de mère. Puis là, je me suis arrêtée et je lui ai dit : « Tu veux vraiment une glace ? » Et le gamin a sauté de joie en disant : « oui » ! Du coup j’ai dit : Ok ! et on est parti comme deux fous chercher le monsieur avec sa carriole. J’ai dit au gamin : pas trop grosse la glace ! et il m’a répondu «  You choose you choose ». je l’ai questionné et quand j’ai dit chocolat il a sauté sur place. Je lui ai donc pris un bel esquimau au chocolat et moi je me suis pris aussi du coup un kulfi sorte de glace au lait concentré super pas légère du tout ! On s’est assis super contents sur un muret, lui trop mignon avec sa petite cagette posée sur ses genoux et ses balles fluo et moi totalement pastillée de glace qui fondait sur place…Bref, il m’a remercié, les autres gamins évidemment m’ont un peu peinée car ils nous regardaient de loin mais bon…Je suis rentrée vraiment heureuse de ce petit moment.
                Maintenant je vais de plus en plus à l’école de l’ashram où l’équipe semble vraiment m’adopter et j’en suis ravie. Je commence à prendre en charge des enfants un peu plus en difficulté et j’apprends beaucoup sur la façon d’enseigner beaucoup plus sensible et efficace que ce que j’ai pu voir en 10 ans d’enseignement en France. C’est vrai aussi que les conditions sont meilleures : super site, infrastructures, un matériel donné par la communauté de l’ashram : exemple, le papier vient du département du « papier fabriqué main », les outils de menuiserie du département du bois etc etc…
J’adore le moment du goûter : les enfants s’assoient au pied d’un grand arbre avec un petit bol dans lequel on leur sert un super bon couscous indien avec un verre de bouillon de légumes et une petite barre de chocolat. Aucun cri dans la cours, des enseignants qui goûtent en même temps, les vieilles indiennes qui servent dans leurs grands récipients assises sur le muret en papotant en sari…j’adore.
On veut maintenant m’associer à un atelier de lecture à voix haute vu que je suis française ça peut aider…et je vais assister aux cours de sanskrit oral car autant surprenant que cela puisse être, Mother a intégré cette matière, refusant de faire une langue morte tout ce qui éclaire le quotidien : c’est-à-dire les textes sacrés. Mais comme nulle part cet enseignement existait surtout pour ce jeune âge, l’enseignant à totalement inventé sa pédagogie qui est très ludique et c’est vraiment intéressant. L’enseignant m’intrigue un peu : depuis le début je mange souvent face à lui à l’ashram. Il a un problème de peau très important comme beaucoup d’indiens ici : une dépigmentation. Mais aussi, il ne parle jamais aux autres, il se met souvent dans ma salle qui semble être la salle de ceux qui veulent qu’on leur fiche la paix et mange totalement dans son monde. J’ai été surprise de le voir à l’école, je ne le voyais pas du tout enseigner le sanskrit : comme quoi…J’en saurai plus plus tard…peut-être.
                A la clinique des yeux, idem…maintenant on me demande de rester sans que j’en ai fait expressément la demande et lorsque j’ai fini mes soins, je commence à corriger ceux qui arrivent et ont les mêmes exercices que moi puis on me forme à d’autres. J’enseigne comment bien faire la réflexologie et je vais tenir des permanences d’iridologie comme au département d’Ayurveda. On va aussi me donner par la suite leurs fichiers d’exercices dont j’aurai accompagné la mise en pratique avec de véritables patients, que je pourrai donc après cette expérience utiliser en France.
C’est très enrichissant même si parfois je dois poser quelques limites car les docteurs et praticiens ont toujours une soif d’apprendre d’autres techniques et moi parfois ça m’épuise d’expliquer, surtout en anglais !
J’aime aussi même si c’est très tôt aller au Yoga for Health pendant une heure trente sauf que c’est dehors  au milieu des corbeaux qui envahissent la ville et que je me fais bouffer par les fourmis et les moustiques. Mais là encore cette pratique m’apporte beaucoup.
Je crois que ce qui me dérange le plus jusque-là hormis les moments où je me prends dans les dents des comportements limite racistes et intolérants les jours de grand vent, c’est la nourriture de l’ashram vraiment trop lourde mais qui par son manque de finesse me donne malgré tout envie de manger encore par la suite surtout des fruits. Je commence à me dire qu’il va falloir que je passe  à autre chose mais ça me simplifie vraiment mes journées de n’avoir pas- pour une fois – à me soucier du contenu de mon assiette. Mais quand je reviendrai, le premier qui me temps une banane, je lui écrase sur le nez !
                Surprise aussi ce matin de trouver un colis pour moi avec des livres sur les Kolam et rangoli accompagnés de 4 bouteilles d’Acai bio. Aucune idée de qui m’a donné cela. Je parle souvent de mon intérêt pour ces dessins mais de là à les recevoir en colis surprise ça m’a vraiment aussi faire sourire car aujourd’hui c’est le jour du bon vent ! Du coup, entre midi et deux pour mon temps de digestion, je m’exerce à comprendre les données des points et à dessiner à mon tour. Je m’améliore un peu et c’est encore plus sympa que les mandalas car là, on construit soi-même le cadre et le contenu. Mais ça demande beaucoup de patience et de finesse et je me trompe encore souvent.
Voilà pour le moment ma petite vie…Je vais bientôt aller faire du bateau je pense pour passer un peu de temps sur une belle plage de sable au sud de Pondichery parce que les gros cailloux plein de scorpions c’est pas cool. Evidemment les femmes doivent se baigner habillées. Je commence donc à avoir un bronzage à l’indienne, avec la trace de mes tee-shirts et pantalons : super pas beau  et super frustrant de ne pas pouvoir se mettre en short ou jupe courte par cette chaleur. Certaines indiennes le font pourtant mais les indiens déjà se retournent sur elles donc moi je ne pourrai pas arriver à l’ashram sans une escorte. Même habillée en manche longue je me fais héler par les gardes des monuments.
Reste à trouver quand je vais me connecter pour vous envoyer en masse tout .