Pondichery.
Difficile de rattraper par l’écriture les dix premiers jours
passés à Pondichery. L’arrivée a été assez éprouvante car mon chauffeur de taxi
était plutôt un chauffard et sa voiture une récupération de casse. Quand j’ai
vu les fissures sur la vitre avant et l’absence de ceinture à l’arrière, j’ai
compris d’emblée que le trajet n’allait pas être une partie de plaisir. Quant à
l’air climatisé, c’était rien de plus qu’un peu d’air chaud qui filtrait de
l’avant mais il insistait pour me dire que c’était ça l’air climatisé. Bref,
j’ai réussi quand même à le persuader que je ne partirais pas sans ceinture et
il a fini par faire le tour de la voiture et me décoincer un embryon d’attache
sous le siège. Je me suis retrouvée assise en position centrale, pas très
confortable mais bon, c’est l’Inde et on s’adapte. Trop fatiguée aussi pour
tenter de le planter et de prendre quelqu’un d’autre. J’aurais peut-être dû
quand j’ai vu la conduite par la suite : j’ai dû le secouer à un moment
car il s’endormait : je voyais qu’il ralentissait et se rapprochait
dangereusement du petit muret en béton. Un coup d’œil dans son rétroviseur m’a
permis de voir qu’il conduisait les yeux fermés et je lui ai carrément choppé
les épaules en lui disant : « Mais tu dors ? oh
oh ! » Non, « mam »…Ben si « mam », tu dors
pépère et je ne vais pas te laisser me foutre dans le bitume. Du coup je lui ai
tenu le crachoir comme j’ai pu tout en tentant de rester la plus zen possible
quand il doublait face à un bus ou une vache en esquivant au dernier moment
quitte à toucher carrément les autres véhicules. Finalement c’était pas mal la
position centrale ! Bref, j’ai dû aussi renégocier la route que je voulais
prendre car il ne voulait pas passer par East Cost Road comme c’était prévu et
moi j’avais très envie de parcourir ce chemin. Donc j’ai été assez ferme et
finalement on a pris cette route. Evidemment à l’arrivée, il ne connaissait pas
l’adresse et vu que je logeais dans le quartier traditionnel où pas un numéro
ne se suit, j’ai passé bien une demi-heure de plus dans la chaleur de la
voiture à attendre que monsieur le non dégourdi trouve son information en
demandant à chaque coin de rue. Et autant vous dire parfois que demander sa
route à un indien c’est un peu décider après si on ne devrait pas prendre le
chemin opposé pour trouver.
Bref,
je suis arrivée et je suis à nouveau assez fière de cet autre défi.
La guest house de
l’ashram Ayodhya Bhawa est très bien tenue. La femme qui s’en occupe est
simple, autant que peut l’être la chambre mais on se sent comme chez soi, sans
aucun jugement. Il y a certes des règles comme ne pas boire ni fumer, ce qui
pour moi n’est pas un problème , ou rentrer avant 22heures mais on se sent
tranquille d’aller et venir et de se comporter naturellement comme ce n’est pas
le cas dans d’autres lieux comme je l’expliquerai plus tard.
Le souci qui m’a obligée à quitter ce lieu vraiment pas
cher : pour moins de deux euros par jour on dort, on a le ménage, des
facilités pour acheter les tickets repas de l’ashram, pour louer un vélo ou
réserver un rickshaw pas cher- c’est le bruit la nuit et le jour. Dans le jardin
sur lequel s’ouvrent les fenêtres, il y a un arbre à corbeaux : ne vous
imaginez pas trois corbeaux de petite taille. Non, c’est un enfer : des
milliers d’énormes corbeaux y logent et font la fête jour et nuit, drainant
même sur les rebords des chambres des bouts de repas : sardines des
pêcheurs alentours, riz, bouts de fruits. Il faut se battre pour éviter qu’ils
ne rentrent dans la chambre. J’ai prévu la moustiquaire mais pas
l’anti-corbeaux en venant ! La nuit, les chiens se battent à mort, les
chats s’étripent…et il fait bien sûr très chaud avec un ventilateur qui imite le
bruit de la bétonnière qui fonctionnait le jour quand ce n’était pas les coups
de marteaux sur le toit. Bref, épuisée, j’ai dû changer mais là encore, je vais
devoir encore déménager car Park Guest House où je me suis retrouvée après une
semaine est trois fois plus chère, pas forcément plus silencieuse et les
corbeaux sont remplacés par le rituel indien du matin et de la journée
d’ailleurs qui est de se racler la gorge et de molarder en permanence au point
de réveiller une souche. Et franchement, je préfère les corbeaux. Il y a aussi
des travaux, comme dans toute la ville d’ailleurs ce qui est assez
impressionnant, extrêmement bruyant et fatiguant. Par ailleurs, ici les gérants
sont carrément désagréables, refusant de te dire s’ils pourront te garder une
semaine ou plus : à leur bon désir…Refus de faire entrer ton vélo loué
ailleurs si ce n’est pas loué plus cher chez eux : ça j’ai réussi à le
négocier vu que je reste vraiment longtemps à Pondi et que s’ils ne peuvent pas
me promettre de me garder je ne vais quand même pas non plus changer de vélo
chaque semaine pour leurs beaux yeux…Puis je n’ai pas apprécié leur réflexion
quand je suis arrivée avec un tee-shirt à peine au-dessus du nombril, me
proposant de me vendre un haut couvrant. A côté de ça, ils tolèrent des nanas
en jupe et en débardeur parce qu’elles sont avec un homme qui doit les
intimider un peu. Après partout on lit des sentences très moralisatrices de ce
qu’il faut faire ou non et cela dans un climat d’intolérance assez flagrant. Ce
qui pour ma part s’oppose directement au discours de Mère que je découvre petit
à petit plein d’amour justement et de respect pour ceux qui apprennent et
évoluent à leur rythme. Un exemple que je traduis en français : «
Respectez ceux qui fument et boivent ici car ils ne seront pas longtemps parmi
nous. » C’est à double sens, et je trouve cela assez abominable. A côté se
trouve une poubelle fermée et au-dessus, une liste de mots de défauts à y jeter…Bon
on peut comprendre le côté positif mais à force c’est assez pénible à chaque
coin de porte d’avoir à lire ce que chacun doit apprendre à trouver en soi lors
de ses recentrements et expériences d’évolution spirituelle et surtout de
sentir sur soi à chaque fois que l’on passe devant les gérants un regard qui
nous déshabille de la tête au pied .
Heureusement, grâce à mes rencontres dans les départements
de l’Ashram, j’ai un bon conseil pour ce qui pourrait être mon lieu à venir,
j’en dirai plus bientôt. Mais je pense revenir justement près de la première
Guest House dans ce quartier de Vaithippukam que j’affectionne particulièrement
depuis le début de mon séjour et qui me manque terriblement le matin quand je
me lève à 5h30 pour commencer mes activités. Ce qui est sûr c’est que je dors
trop peu, marche beaucoup en plein soleil et qu’au-delà de points plus que
positifs, je suis très fatiguée.
Le quartier de Vaithiukkam est le quartier Tamoul de la
ville, un peu excentré : il faut marcher 15-20 minutes pour se trouver au
centre de ce qui donne à voir une véritable vie traditionnelle : quartier
des pêcheurs où les filets se déroulent de rue en rue avec des hommes qui ne
cessent de réparer, enrouler, tisser leur outil de travail ; maisons en
paille, feuilles tout le long de l’océan où vivent des familles entières :
la vaisselle, la douche, le repas, une bonne partie de la nuit se fait dehors
et lorsque l’on passe devant à pied, il faut petit à petit se faire
adopter : attitude, regard, sourire, intérêt, salutations…Pour moi c’est
un pur bonheur ce trajet. Chaque matin, au lever du soleil, la vie
s’anime : les petits enfants sont habillés pour l’école, les femmes
dessinent de magnifiques kolam sur le sol : dessins sacrés colorés ou non
devant leurs portes pour attirer le bien, rejeter le mal, et pour nourrir aussi
les oiseaux et les insectes (sauf que de plus en plus, ne sont plus utilisées
graines et épices mais poudres synthétiques…). Dans les campagnes, parfois ces
dessins sont faits avec une bouse de vache au centre- la vache étant sacrée ne
l’oublions pas. A titre d’exemple, en me baladant dans le quartier très vivant
du grand marché de la ville à l’Ouest, une vache s’est arrêtée au milieu des
gens et s’est mise à uriner très fort sur le sol. Inutile de vous dire que pour
ma part j’ai fait quelques pas en arrière ! Quel ne fut pas mon étonnement
en voyant une marchande aller recueillir avec ses mains l’urine et la balancer
sur son étalage !! Je me suis dit que j’allais peut-être regarder de plus près ce que j’allais
acheter sur ce marché !
Pour en revenir à mon petit quartier préféré, il faut vous
imaginer l’océan, ces petites maisons en bordure, des montagnes de détritus sur
lequel se nourrissent plein de petites chèvres, des bateaux de pêcheurs
multicolores, des chiens qui se roulent de bonheur dans les filets qui leur servent de toboggan et de terrain de
jeux…en tournant la tête on aperçoit ici une chienne debout qui allaite ses 5
ou 6 chiots avec une bande de petits enfants quasiment nus, avec un petit collier
autour de la taille et une petite ficelle entre les fesses ; un homme
assis devant sa maison en train de regarder dans une bassine sa poule dont les
œufs sont en train d’éclore avec plein de petits poussins autour ; ces
femmes aux saris multicolores accroupies avec leur poudre de riz qu’elles
répandent de façon parfaite pour dessiner des parterres colorés. A côté, en
face, derrière, entremêlées se trouvent des maisons en dur peintes en vert,
bleu, magenta. Portes entrouvertes, on aperçoit les familles allongées, les
casseroles empilées, la télé souvent à fond le soir. Le soir, les filets de
pêcheurs deviennent phosphorescents, les hommes handicapés restent sur le bord
de leur maison et t’observent d’abord, puis lorsqu’ils ont confiance te
sourient puis te saluent pendant que d’autres dorment allongés dans leurs
embarcations de bois. Il fait noir mais les cyclomoteurs, vélos, enfants nus,
chiens, chats, femmes, poules se croisent sans se percuter : le troisième
œil doit vraiment exister, quant à moi, peu rassurée au départ, j’ai pris
l’habitude aussi de m’orienter un peu à l’aveuglette, prenant mes repères d’une
maison à l’autre où je reconnais les habitants. Les femmes jouent en groupe à
des jeux de société sur le sol : ils sont fabriqués simplement mais beaux
parce qu’utiles et uniques. Les jeunes garçons jouent aux boules !
Oui ! Comme à Toulouse, mais ils se servent de pierres plus ou moins
grosses et j’adore les regarder s’amuser. Les aînés quelques rues plus loin,
au-delà des maisons végétales jouent avec des vraies et organisent de
véritables concours. Les jeunes vivent en bande et se mettent à chanter ce que
j’imagine être des chants de drague quand je passe devant. J’ai de la chance, à
chaque fois que je me fais aborder et c’est assez régulier, il me suffit de
deux trois phrases ou regards pour qu’on me laisse poursuivre mon chemin.
L’habitude du trajet aidant, les premiers mots échangés avec les pêcheurs, les
femmes, ont fait cesser les premières harangues par forcément toujours
agréables du moment et ont fait place à des signes de main amicaux. Un peu plus
au nord encore, c’est une vie encore plus traditionnelle qui s’établit et c’est
de là que partent le matin la plupart des pêcheurs. J’aime y aller, les
regarder arriver à terre, attendre les vagues pour faire remonter leur bateau
et le ranger ; sortir leur filet garni de produits de la mer accroché sur
un long bout de bois. Je suis épatée à chaque fois de voir les hommes et femmes
indiennes porter des poids énormes. Dans la ville, je suis assez choquée mais
je m’y habitue, de voir jusqu’au soir
très tard les femmes travailler aux travaux publics, ramassant les pierres dans
des plateaux énormes, nettoyant les chantiers dans un nuage de bruit, de
pollution tout cela pieds nus et sans protection. A l’heure du repas, tous
ouvrent leurs gamelles et mangent à même le sol puis s’endorment où ils peuvent
pour faire une petite sieste.
Les
poubelles, il n’y en a pas souvent. Les gens jettent au sol, les animaux
mangent ce qu’il y a à manger, et régulièrement des tracteurs passent. Des
femmes avec un balai regroupent les détritus et les mettent dans la benne.
Travail d’une pénibilité incroyable au milieu d’une odeur pestilentielle.
Personnellement je passe souvent en apnée dans certains lieux. Depuis que j’ai
loué mon vélo à une adorable personne qui m’assure un super service pour
seulement 600 roupies par mois, j’arrive à passer plus vite là où il ne fait
pas bon trop humer.
Cela
n’empêche que dans ce petit quartier, les indiens ont une très bonne
hygiène : je les vois toujours se laver dans des recoins, j’entends les
gamins rechigner quand on essaie au milieu des cailles de leur couper les
ongles ou de les obliger à finir leur petit déjeuner pendant qu’on leur tresse
les cheveux- pour les filles- avant d’aller à l’école. Tous les jours des
marchands ambulants passent pour leur vendre qui des fruits, qui des tissus,
qui des gamelles. Devant les maisons s’organisent des Street Food, des petites
échoppes à peine éclairées apparaissent et c’est tout une jolie petite vie de
quartier qui s’exprime.
A force
d’arpenter la ville et ce quartier en photographiant les Kolam, j’ai été
beaucoup abordée et finalement, j’ai eu mes premières balades en scooter sans
casque avec un italien qui m’a beaucoup parlé de ce qu’il en savait, mais aussi
du sens des activités spirituelles de l’ashram. J’ai eu un peu de mal à
comprendre au début l’extrême dévotion au-dessus du tombeau de Mère et Sri
Aurobindo, mais depuis que je commence pour mon plus grand bonheur à travailler
au département d’Ayurvéda, à la clinique des yeux parfaits et au centre
d’éducation de l’Ashram, avec de plus en plus de conversations,
d’expérimentation surtout, de lectures, je commence doucement à prendre
conscience de l’extrême densité du parcours de ces Gourous qui ont laissé par
leurs écrits et leurs actions un immense savoir tant pratique que théorique
oeuvrant à un véritable développement global de l’individu. Ce matin, après
l’atelier lecture dans la classe de ce qui correspond aux CP du département
éducation, j’ai été bouleversée par la qualité et la densité des savoirs de ces
enfants tamoul parlant en anglais qui sont dans une école où tout est en
français, lisant et écrivant comme des élèves de cycle 3- en français- qui plus
est, apprenant le sanskrit écrit et oral, puis plus tard l’écrit anglais et
tamoul, agiles en modelage, menuiserie, dessins, musique, tout cela sans aucune
note, dans une évaluation permanente, progressive et absolument naturelle. Les
enseignants travaillent dans un calme, une rigueur, une souplesse qui
laisseraient rêveurs le ministère de l’éducation nationale français. J’ai pu
voir la nullité du lycée français pour les français de Delhi du même âge et là,
franchement, ça me fait franchement rire de voir le vide qui règne sous un horrible
protocole et de bas apparats moyennant des finances de la part des parents
délirantes avec un résultat super négatif pour des enfants qui en souffrent
beaucoup. Ici l’école est gratuite. Je ne connais pas encore suffisamment le
dessous des cartes donc je ne veux pas non plus trop idéaliser mais rien n’est
moderne, les livres datent des années 70, les référentiels dans la classe sont
faits manuscritement à l’ancienne par les enseignants mais rien n’est inutile,
tout est totalement fonctionnel, les salles de menuiseries, de musiques,
d’inspiration comme ils les appellent sont parfaitement bien outillées et
rangées. Tout est récupéré, utilisé, non gaspillé. Les enfants ont une liberté
dans la progression de leur savoir impressionnante tout en étant vraiment guidés
du début jusqu’à la fin de leurs études dont ils sortent avec un certificat
reconnu dans toutes les universités.
J’ai la
chance d’avoir pu y entrer car normalement c’est interdit aux
« visiteurs ». Qui plus est, aujourd’hui on m’a annoncé que je pourrai
commencer à y travailler pendant ce mois et un peu plus qu’il me reste quitte à
revenir plus tard ce que j’ai bien l’intention de faire.
Depuis le début, j’ai une chance incroyable dans mes
rencontres et ça n’est pas du hasard car à chaque fois je demande dans mon for
intérieur et ça arrive. Beaucoup de choses se passent dans le silence du temps
repas à l’ashram. La nourriture est loin d’être raffinée mais j’ai accepté de
croire la phrase de « Mère » disant que tout y était en suffisance
pour être en bonne santé et pour la pratique de la Sadhana : ce
développement parfait et intégratif de l’être. Mange et fais confiance :
je fais ainsi, ce qui me change de mon passé, et hormis une fois où j’ai été
carrément malade, tout se passe très bien. Cela ne m’empêche pas de temps en
temps d’accepter de manger une fameuse dosa dans une maison tamoul ou un super
bon thé massala tchaï. J’ai été mise en contact dans le quartier tamoul avec
une indienne qui apprend le français pour rejoindre son mari en France. Depuis
nous sommes amies, elle m’initie au tamoul, aux kolam, je luis corrige son
français en échange. Sa mère et sa tante nous rejoignent souvent et se vautrent
sur le sol en mangeant à n’importe quelle heure la cuisine de mon amie en
mettant la télé à fond et surtout des films de combats. C’est marrant et les
hommes, hormis un frère, ont l’air absent dans cette maison. Moins marrants les
moustiques qui me dévorent les pieds et difficile de se plaindre. Alors je
mange ce que l’on me donne même en plein après-midi, et je me gratte en
sortant !
J’ai
été abordée aussi par Jack, un jeune tamoul bilingue, super cuisinier français
et indien ; Il m’a présenté à je ne sais combien de cousins, frères et à
sa mère qui fait de la street food. Là encore, je n’ai pas pu refuser de manger
ses beignets et franchement, ils sont trop bons. Je n’ai pas hâte de me peser
mais je marche tant que bon, j’essaie de me dire que je ne suis pas là non plus
pour être une frustrée. Je passe aussi beaucoup de moments difficiles car les
repères ça ne vient pas tout seul et ça me demande beaucoup d’énergie, parfois
beaucoup d’angoisse car je dois me débrouiller seule avec la langue, une autre
culture, d’autres lieux. Pondichery est une ville accessible mais quand même.
J’adore
aller à la clinique des yeux : je suis d’abord allée me faire examiner par
un super ophtalmologiste qui ne m’a pris que 100 roupies soit même pas deux
euros la consultation ! Puis un protocole d’exercices m’a été donné à
faire et c’est un pur bonheur ! Bain de soleil pour les yeux, balancements
en groupe dehors devant des grilles en clignant des yeux sur un certain rythme,
apprentissage de points d’acupressure sur les mains, les pieds, le
visage ; séances de palming, jeux avec des balles, balnéothérapie chaude,
froide des yeux et surtout conversations super intéressantes avec les
intervenantes souvent formées à l’ayurveda. D’ailleurs un autre échange
commence à combler mes journées puisque le soir je vais former deux docteurs en
naturopathie et ayurveda aux bases de l’iridologie. Les quelques expériences
sur eux-mêmes que j’ai faites les ont tellement convaincus que maintenant le
vieux maître m’initie à l’ayurvéda et le matin je vais dès 6h45 au yoga de la
santé que j’apprends. L’après-midi maintenant j’y vais quand je veux, je peux y
étudier, poser les questions que je veux et examiner les patients avec mes
outils et continuer de former les deux docteurs. J’adore parler avec le vieux
bonhomme qui a une cataracte impressionnante comme beaucoup d’indiens fort
consommateurs de laitages…une preuve de plus du mal que fait le lait au-delà de
son origine sacrée…S’il n’y a pas de patients- les consultations sont gratuites
aussi, je vais commencer à m’impliquer dans la préparation des médecines :
plantes, huiles…j’adore tous les récipients empilés, les odeurs…je suis
vraiment dans ce qui me fait vibrer et en plus j’ai vraiment accès à des lieux
totalement fermés au public et tout ça comme une réponse naturelle à mes
demandes. J’y suis allée à chaque fois simplement en commençant à donner mon
savoir et à chaque fois de nouvelles portes s’ouvrent et j’accumule dans mes
cahiers des papiers m’autorisant à aller dans un lieu puis un autre sur
recommandation. Comme par hasard à Park Guest House, ils sont plus sympas avec
moi depuis qu’ils voient en moi plus une ashramite qu’une touriste : ça
n’empêche que je pense quand même partir. Je dois aussi recevoir bientôt une
doctoresse de la clinique des Yeux intéressés par l’iridologie. En échange j’ai
déjà son amitié aussi, une belle initiation
à quelques techniques concrètes utilisées pour la santé des yeux, un
suivi en ayurveda également…
Enfin, dans le département Fleurs en flacon où l’on trouve
les huiles essentielles- pas trop à conseiller vue l’origine plus que douteuse
de la plupart…- et les huiles, onguents, j’ai fait la connaissance d’une
française qui a plongé dans ce milieu, très sympa avec de belles connaissances
aussi à échanger.
Bref, je n’ai pas le temps de m’ennuyer, pas trop d’écrire
non plus, mais je m’autorise aussi des temps de vadrouille et des petits
déjeuners après le yoga- car je zappe celui de l’ashram pendant cette heure et
demie où je me fais bouffer par les fourmis sur le sol à l’extérieur…- dans une
cantine qui me prépare des dosa et oopadusha végétariennes super bonnes. Pour
l’hygiène c’est moyen mais je ne suis jamais tombée malade ici par contre. Je
reste un peu rebutée par le gros cafard qui m’a filé entre les pieds dans les
cuisines de l’ashram où l’on patauge pieds-nus sur un sol visqueux en allant
refiler nos plateaux à laver, mais ici il faut passer outre…beaucoup de choses
doivent être oubliées ici, sinon on ne reste pas pour approfondir et c’est de
cela qu’il s’agit : aller vers le centre, et ne pas passer son temps à
pousser du pied ce qui nous dérange…d’ailleurs ça ne fait pas de mal d’être un
peu dérangée…
Là, je file à Vaithipukkam, j’ai promis à mon amie de
passer. Je n’ai pas faim mais je sens bien que je vais devoir manger un bout
encore… !
Très
heureuse d’avoir revu Midouna. Je suis contente pour elle car elle est acceptée
à l’Alliance Française pour des cours de français qui lui permettront de
retrouver son mari en France. Nous avons passé pas mal de temps à échanger des
notions de tamoul et de français. J’avoue pour ma part oublier très vite ce que
l’on me dit mais je commence quand même à retenir quelques mots histoire de
faire rire les gens quand j’essaie de les prononcer.
Autre bonne nouvelle, je suis allée me renseigner pour une
chambre à Mother’s guest House en face dans ce même quartier et lorsque j’ai vu
la maison j’ai eu le coup de foudre. Vraiment. L’intérieur est remarquablement
propre, bien agencé, avec une grande salle de lecture, une autre de méditation
yoga mais surtout la terrasse surplombe toute la ville avec une vue imprenable
sur ce quartier que j’aime temps et l’Océan. J’ai donc ma chambre réservée côté
océan et j’en suis ravie. Pour une fois, elle ne ressemble pas à une chambre de
prison : elle est plus petite que les autres mais très claire, moderne,
avec un joli balcon où je peux contempler des heures les vagues ! Le prix
reste correct, donc c’est un bon compromis entre les deux précédentes guest
house. Je ne sais pas encore comment je vais m’y rendre, en rickshaw
probablement mais en tentant de ne pas me faire entuber comme la dernière fois.
Heureusement que j’ai trouvé cette alternative car j’ai bien
cru décoller la tête d’un indien là où je tente de vivre sans embêter personne.
Toujours cette histoire de vélo non loué sur place. Bien que l’on m’ait donné
l’autorisation de parquer le mien dans l’enceinte, tous les matins on me saute
dessus en me disant « mam, vélo, mam vélo » et là franchement, ça a
commencé à me prendre le chou et j’ai remonté les bretelles au gardien en lui
précisant qu’il valait mieux pour lui maintenant qu’il me lâche les baskets.
C’est marrant parce qu’il y a des jours en Inde où tout est possible, se passe
admirablement bien, et des jours où on ne cesse de t’emmerder. J’utilise à
juste titre ce mot parce que ça va du gardien dès le matin, ensuite la nana de
l’accueil qui te fait piger depuis qu’elle a aperçu un bout de ton nombril que
tu es une fille pas comme il faut, au tailleur qui te coud ta robe à l’envers (
super pratique de se balader avec des pans de couture qui ressemblent à des
moignons d’ailes), aux mecs super pénibles qui te coupent la route et te
scotchent en chantant des airs qui franchement sentent le fauve avec des
regards qui te donnent envie de leur couper ce qui pend, jusqu’au dining room
de l’ashram qui parce que tu fais parti du peloton de la fin, a décidé de ne
pas prendre ta vaisselle et t’oblige en file indienne à laver sans savon et
avec tes mains tes bols tout collants dans un bac assez écoeurant…Bref, c’est
une petite synthèse qui fait que parfois on a envie de repartir mais…la roue
tourne et d’un seul coup, parce qu’a priori mieux vaut rester assez ouvert, tu
repasses un bon moment qui en enchaîne d’autres.
Anecdote marrante hier soir : je n’avais envie de
parler à personne vu que depuis le début de la journée tout le monde était
assez désagréable sans que j’ai fait quoi que ce soit- l’océan étant agité je
me suis dit que c’était dans l’air… et après ma super vaisselle à l’ashram, je
suis allée me poser devant l’océan pour prendre un peu d’embruns et juste
écouter le fracas des vagues sur les rochers en observant les fous avec leurs
bébés dans les bras jouer à être de dos pour se faire éclabousser au risque de
partir dans les fonds avec toute la famille… A un moment j’ai vu une ombre
approcher et je me suis dit : crotte un mec de plus à mes basks. Ça n’a
pas loupé, j’ai entendu : « Hi ! » Alors super froidement
j’ai répondu : « Hi » et un grand silence s’est établi
mais le scotch restait…finalement il a commencé à parler mais contrairement aux
autres de la journée, il s’est avéré que c’était un étudiant ingénieur sympa,
venu en stage dans la ville pour mettre en place le mécanisme d’une confection
de cookies…je ne sais pas pourquoi ça m’amusait…Bref, la causette est partie et
on a fini par s’asseoir sur un rocher en tentant d’éviter les détritus qui
jonchent les entre rochers. Comme à chaque fois que je parle avec un homme, je
mets le maximum de distance parce que je connais d’emblée les questions qui
vont venir : « husband –name-old- first time in Pondichery-
alone.. » Gnagnagna…et sérieusement s’il y a un truc qui ne m’intéresse
pas c’est ce type de relations…Bref, sauf qu’à un moment, le mec, qui justement
pour une fois n’avait pas trop abordé ces questions me dit «
Insect ! insect ! » Sur le coup je ne pige pas : il faisait
noir, le bruit des vagues…mais finalement je tourne la tête et gniiiiiiii, je
vois un gros scorpion marronnasse : et j’ai sauté dans les bras du type
pour me relever en explosant d’un rire nerveux…Bref, il s’est marré, et ça a
rompu la glace et on est allés marcher et j’ai trouvé le premier garçon qui le
lendemain allait visiter un musée et m’a raccompagnée en me disant qu’il avait
passé une bonne soirée sans demander à me revoir ! Youpi tralala !
Un soir
avant, j’avais aussi fait une jolie rencontre. En rentrant du dining room, je
me disais que j’avais une envie de sucre, mais comme d’habitude je résistais.
En arrivant sur Goubert Avenue le long du golfe, j’aperçois tous les gamins qui
vendent leurs ballons, jouets lumineux pour se faire quelques roupies. En
général je passe mon chemin. Mais là, en dépassant une petite carriole de
glaces, je vois un petit indien avec son plateau de balles fluo autour du cou
scotché contre la carriole à regarder les gens s’acheter des glaces. Je
continue à marcher et l’enfant court me rejoindre et me demande de lui acheter
une balle. D’abord je dis non, je lui explique comme je peux qu’on ne peut pas
donner en permanence de l’argent. Il était beau comme un ange, avec un gentil
sourire. Et là, au lieu d’insister il me dit moitié en tamoul moitié en
anglais « Je veux ice-cream ! » Sur le coup ça m’a un peu
troublée…il restait à côté de moi. J’ai donc entamé la conversation en lui
demandant son prénom, son âge ( même questions débiles que je n’aime pas que
l’on me pose mais bon…). Je finis par comprendre que pendant qu’il fait ça, son
père conduit un rickshaw à vélo et qu’il n’a pas de mère. Puis là, je me suis
arrêtée et je lui ai dit : « Tu veux vraiment une glace ? »
Et le gamin a sauté de joie en disant : « oui » ! Du coup
j’ai dit : Ok ! et on est parti comme deux fous chercher le monsieur
avec sa carriole. J’ai dit au gamin : pas trop grosse la glace ! et
il m’a répondu « You choose you choose ». je l’ai questionné et
quand j’ai dit chocolat il a sauté sur place. Je lui ai donc pris un bel
esquimau au chocolat et moi je me suis pris aussi du coup un kulfi sorte de
glace au lait concentré super pas légère du tout ! On s’est assis super
contents sur un muret, lui trop mignon avec sa petite cagette posée sur ses
genoux et ses balles fluo et moi totalement pastillée de glace qui fondait sur
place…Bref, il m’a remercié, les autres gamins évidemment m’ont un peu peinée
car ils nous regardaient de loin mais bon…Je suis rentrée vraiment heureuse de
ce petit moment.
Maintenant
je vais de plus en plus à l’école de l’ashram où l’équipe semble vraiment
m’adopter et j’en suis ravie. Je commence à prendre en charge des enfants un
peu plus en difficulté et j’apprends beaucoup sur la façon d’enseigner beaucoup
plus sensible et efficace que ce que j’ai pu voir en 10 ans d’enseignement en
France. C’est vrai aussi que les conditions sont meilleures : super site,
infrastructures, un matériel donné par la communauté de l’ashram :
exemple, le papier vient du département du « papier fabriqué main »,
les outils de menuiserie du département du bois etc etc…
J’adore le moment du goûter : les enfants s’assoient au
pied d’un grand arbre avec un petit bol dans lequel on leur sert un super bon
couscous indien avec un verre de bouillon de légumes et une petite barre de
chocolat. Aucun cri dans la cours, des enseignants qui goûtent en même temps,
les vieilles indiennes qui servent dans leurs grands récipients assises sur le
muret en papotant en sari…j’adore.
On veut maintenant m’associer à un atelier de lecture à voix
haute vu que je suis française ça peut aider…et je vais assister aux cours de
sanskrit oral car autant surprenant que cela puisse être, Mother a intégré
cette matière, refusant de faire une langue morte tout ce qui éclaire le
quotidien : c’est-à-dire les textes sacrés. Mais comme nulle part cet
enseignement existait surtout pour ce jeune âge, l’enseignant à totalement
inventé sa pédagogie qui est très ludique et c’est vraiment intéressant.
L’enseignant m’intrigue un peu : depuis le début je mange souvent face à
lui à l’ashram. Il a un problème de peau très important comme beaucoup
d’indiens ici : une dépigmentation. Mais aussi, il ne parle jamais aux
autres, il se met souvent dans ma salle qui semble être la salle de ceux qui
veulent qu’on leur fiche la paix et mange totalement dans son monde. J’ai été
surprise de le voir à l’école, je ne le voyais pas du tout enseigner le
sanskrit : comme quoi…J’en saurai plus plus tard…peut-être.
A la
clinique des yeux, idem…maintenant on me demande de rester sans que j’en ai
fait expressément la demande et lorsque j’ai fini mes soins, je commence à
corriger ceux qui arrivent et ont les mêmes exercices que moi puis on me forme
à d’autres. J’enseigne comment bien faire la réflexologie et je vais tenir des
permanences d’iridologie comme au département d’Ayurveda. On va aussi me donner
par la suite leurs fichiers d’exercices dont j’aurai accompagné la mise en
pratique avec de véritables patients, que je pourrai donc après cette
expérience utiliser en France.
C’est très enrichissant même si parfois je dois poser
quelques limites car les docteurs et praticiens ont toujours une soif
d’apprendre d’autres techniques et moi parfois ça m’épuise d’expliquer, surtout
en anglais !
J’aime aussi même si c’est très tôt aller au Yoga for Health
pendant une heure trente sauf que c’est dehors
au milieu des corbeaux qui envahissent la ville et que je me fais
bouffer par les fourmis et les moustiques. Mais là encore cette pratique
m’apporte beaucoup.
Je crois que ce qui me dérange le plus jusque-là hormis les
moments où je me prends dans les dents des comportements limite racistes et
intolérants les jours de grand vent, c’est la nourriture de l’ashram vraiment
trop lourde mais qui par son manque de finesse me donne malgré tout envie de
manger encore par la suite surtout des fruits. Je commence à me dire qu’il va
falloir que je passe à autre chose mais
ça me simplifie vraiment mes journées de n’avoir pas- pour une fois – à me
soucier du contenu de mon assiette. Mais quand je reviendrai, le premier qui me
temps une banane, je lui écrase sur le nez !
Surprise
aussi ce matin de trouver un colis pour moi avec des livres sur les Kolam et
rangoli accompagnés de 4 bouteilles d’Acai bio. Aucune idée de qui m’a donné
cela. Je parle souvent de mon intérêt pour ces dessins mais de là à les
recevoir en colis surprise ça m’a vraiment aussi faire sourire car aujourd’hui
c’est le jour du bon vent ! Du coup, entre midi et deux pour mon temps de
digestion, je m’exerce à comprendre les données des points et à dessiner à mon
tour. Je m’améliore un peu et c’est encore plus sympa que les mandalas car là,
on construit soi-même le cadre et le contenu. Mais ça demande beaucoup de
patience et de finesse et je me trompe encore souvent.
Voilà pour le moment ma petite vie…Je vais bientôt aller
faire du bateau je pense pour passer un peu de temps sur une belle plage de
sable au sud de Pondichery parce que les gros cailloux plein de scorpions c’est
pas cool. Evidemment les femmes doivent se baigner habillées. Je commence donc
à avoir un bronzage à l’indienne, avec la trace de mes tee-shirts et
pantalons : super pas beau et super frustrant de ne pas pouvoir se
mettre en short ou jupe courte par cette chaleur. Certaines indiennes le font
pourtant mais les indiens déjà se retournent sur elles donc moi je ne pourrai
pas arriver à l’ashram sans une escorte. Même habillée en manche longue je me
fais héler par les gardes des monuments.
Reste à trouver quand je vais me connecter pour vous envoyer
en masse tout .
je n'y suis pas mais je m'y croirais à Pondy... tu me fais trop marrer...tu es bien courageuse d'acccepter certaines choses pénibles (concernant l''hygiene la nourriture et le bruit) mais en compensation tu apprends beaucoup des autres sur tous les plans .. et tes blocages vont petit à petit peut-être s'estomper... cependant prends le temps de te reposer ; ne fais pas comme d'hab :faire trop de choses ... respire ,écoute ...oui bonne idée va faire du bateau ... Bon cette fois tu as trouvé une guest house reposante... comme quoi jamais 2 sans 3 c'est bien vrai.
RépondreSupprimerTa "Mére" la seule la vraie...
Quel courage et quelle faculté d'adaptation! J'ai tout lu et vraiment on a l'impression d'être avec toi, c'est génial. Mais vraiment je suis impresionnée, je ne serais pas capable de ça...
RépondreSupprimerMerci pour l'adresse de ce blog, comme d'habitude c'est un plaisir de te lire.
Je t'embrasse, Vi.