Vendredi 1er
juin 12
J’écris depuis la salle d’embarquement après avoir vidé ma
fiole interdite de Mont-Roucous baby : ils m’ont laissé mon anti-moustique
homéopathique liquide : je suis une femme heureuse.
Départ. Plutôt zen, j’ai bien dormi. Ma petite minette a
compris que le gros truc rectangulaire qui trônait au milieu de la pièce était
un objet anormal. Ce matin elle ne m’a
pas lâché le jean. Alors ce fut un adieu en mode câlins. Je lui ai expliqué
entre deux ronrons que j’allais la laisser plusieurs semaines mais que j’allais
penser très fort à elle. Je sentais qu’elle m’écoutait, je sentais une autre
chaleur, comme un flux entre elle et moi. Nos regards étaient différents, il
m’a semblé même que l’odeur de ses poils avait changé. Je pense aussi que les
jours où dans la vie il se passe quelque chose de fort, nous avons une capacité
à sentir de façon plus sensible, extrême pourrais-je dire. C’est un peu comme
si les sens étaient affûtés.
Hier soir j’ai eu un petit problème avec ma valise :
enfin avec moi-même. Je n’ai cessé d’ôter et de remettre certains objets : à prendre ou ne pas à
prendre ? Utiles ou non utiles ?
Aparté : la salle d’embarquement se remplit, et j’ai
comme une petite angoisse qui monte : rapport à l’inconnu, à ces gens que
je n’ai pas l’habitude de voir, ces langues que je ne comprends pas, cet espace
qui se remplit petit à petit et dans lequel je dois rester neutre. C’est
ça : neutralité oblige pour ne pas se laisser submerger par des émotions
que j’aurais du mal à contrôler. Je ne suis pas un as de ce type de contrôle…
La valise : ce qui m’a aidé c’est la phrase de mon
enseignant de naturopathie. Le kit de la santé : enlever ce qui est en
trop, rajouter ce qui manque.
Facile à dire, acide à faire comme l’énoncent les paroles
d’une chanson…Comment savoir ce qui est nécessaire quand on va dans un lieu où
l’on n’a jamais mis le moindre orteil, à plus de 6000 kilomètres de chez soi.
C’est déjà limite déstabilisant de partir pour 3 semaines hors de chez soi
quand on a pas l’habitude mais quand en plus on saute plusieurs barreaux de
progression pour se projeter à l’est de soi-même quand on a toujours vécu à
l’ouest, ça devient un véritable casse-tête chinois.
Je me souviens alors d’un séjour à Lille où prise d’une
angoisse monumentale pour faire un simple sac, je me suis retrouvée en mode
« Temps Modernes à la Chaplin » en train de faire le geste de la
caissière devant des amis, vidant et remplissant et vidant et remplissant ma
valise comme un estomac à unique entrée.
Bref, c’est parti, le
petit cadenas a été mis, le poids de la chose est limite pour l’unique cause
que je n’ai pu me départir de mes dictionnaires, de quelques livres, de mes
crayons de couleurs…certains repères sont portatifs, alors pourquoi ne pas en
prendre quelques-uns à titre préventif…et non répulsifs.
J’ai les jambes flageolantes et donc bien heureuse d’être
assise sur un espèce de gros pouf en simili cuir. Une espèce de nausée, celle
de mes souvenirs de gosses le jour où l’on partait à la mer dans une voiture
qui sentait le voyage commence à progresser du bas ventre vers le haut… Je
redresse la tête, fixe un point fixe à l’horizontal en ouvrant grands les yeux…
pas de bol je tombe sur l’enseigne « alcool, tabac et GASTRONOMIE »
comme un fait exprès qui a décidé de me poursuivre. Les gens s’agglutinent
autour de moi, il y a de la place partout mais non, il semblerait que je sois
encore la proie des autres… ça ne parle que de manger autour : tu as
faim ? Tu as quelque chose à manger ? Tu veux boire quelque
chose ?
Ce qui m’a fait rire pour filer la métaphore alimentaire
c’est que pour passer dans la salle
d’embarquement, je me suis crue dans un self : il fallait prendre un
plateau et poser son sac à dos dedans.
J’ai dû faire la queue comme si j’allais prendre mon entrée, mon plat de
résistance…( mon dieu, j’ai un groupe de personnes âgées autour de moi, c’est
un enfer, je me croirais dans une basse-cour : ça piaille, même pas un
caramel à leur mettre dans la bouche…excitation de leur départ, j’apprends la
tolérance, et ne bouge pas…)
Temps deux :
J’ai décollé et suis en amnésie par rapport à mon premier
lancer d’écriture…Cela ne me dérange pas : je suis dorénavant une fille
mosaïque, peu m’importe de suivre ou de quitter une idée…ce qui m’importe c’est
d’écrire ce que je souhaite au moment où je le souhaite. Je préfère les
ruptures de temps plutôt que l’accumulation de retards qui m’obligerait en permanence à galoper après
une mémoire forcément défaillante car altérée par la vivacité des impressions
reçues au présent. Parce que là, il s’agit de vivre et non de se rappeler le
temps vécu...Il viendra combler les interstices d’absence de nouveauté…
Je suis dans l’avion qui relie Toulouse à Londres. Je nage
dans un petit bain linguistique car apparemment, on laisse la langue française
dès que le nez de l’avion commence à aller farfouiller dans les nuages. Je suis
entre Bordeaux et La Rochelle pour être précise en train de siroter un
thé…Petit moment de frustration : des petits gâteaux anglais ont été
distribués…rhaaa Fox’s Melts « Chocolate luxurious viennese biscuits with
real chocolate centre » ! Je me dis que parfois il y a donc du faux
chocolat dedans. En attendant, ça croque tout autour de moi et moi je bade le
paquet en me disant que je ferais bien de le donner à ma voisine qui le trempe
presque dans une petite fiole de vin, avant de craquer et de commencer mon
voyage de travers. Oui, de travers parce que j’ai encore besoin de garder la
tour de contrôle en mode On pour ne pas finir en soute pour surpoids au retour.
Cela dit, après réflexion, je vais les garder car ma voisine est une vraie
porte de prison : je relève la tablette pour lui permettre de ramasser un
papier qu’elle a fait tomber : elle plante son nez dans son journal et
fait comme si elle n’avait pas vu mon geste : un, ça signifie que l’autre
lui est parfaitement inexistant ; deux, ça signifie qu’elle laissera les
petites femmes ou les petits hommes de ménage ramasser ses reliques. Bref, un
individu de plus à zapper, je ne vais pas me formaliser pour ça, je commence
donc un petit stockage calorique qui pourra quand même me servir si à un moment
mon cerveau décide de se débrancher de la tour de contrôle pathologique et me
permettre un peu d’écouter le radar
stomacal.
Le décollage a été assez jouissif : j’ai eu juste avant
un raz-de-marée d’émotions, comme un moment assez jouissif : je partais,
je partais loin de mon cauchemar, je partais pour calmer les trépignations
intérieures qui me heurtent depuis tant
d’année : fight or flight…je fight depuis bien trop longtemps et je
revois les derniers mots que j’ai peints sur mon galet de la Garonne. «
Tu n’es point femme mais oiseau. Dieu t’a mise au monde pour voler. Alors vole
et chante. » Merci Marina Tsvetaeva
pour ces mots qui me font vibrer jusqu’à la moelle…Alors je me suis
envolée, j’ai survolé la magnifique chaîne des Pyrénées en suivant les
reptations de la Garonne…C’est beau ces paysages , c’est beau de pouvoir
dire : je suis plus grande qu’une montagne, vois comme elle est petite
cette montagne qui semble si infranchissable vue d’en bas.
C’est ça que je vais chercher : rompre avec une
perspective, un plan, aller voir d’autres traits, d’autres conceptions et réaliser
que la terre vraiment n’est ni plate ni linéaire, que les hommes ne sont pas
tous pareils, que je peux être à l’Ouest en étant à l’Est et que peut-être mon
Occident tant haï deviendra aussi un Eden lorsque j’y retournerai chargée
d’autres choses.
Je n’ai plus envie de gâteaux au chocolat. J’ai faim, j’ai
envie de croquer une pomme, ma voisine me fait barrage…comme quoi, il n’y a pas
que sa tête qui ressemble à une porte de prison.
Je m’en tiendrai à mon thé anglais et mon petit verre d’eau.
Ouh là ! L’hôtesse de l’air veut me piquer mon eau ! Non non…j’ai une
grande SOIF….de vivre.
Petit brin d’humour avant de clore ce petit chapitre de
départ : en ouvrant ma méthode assimil de Tamul, je me suis retrouvée
encore face à l’ironie du sort…je vous laisse comprendre et lire le petit topo
d’introduction de la méthode qui me laisse un goût assez étrange sur le bout
de » la langue » : mais de quelle langue parle-t-on lorsque l’on
cherche à assimiler l’autre…ce qui nous est …étranger ?
Parlons la langue de poche et pas la langue de bois…je vous
fais un petit copier-coller :
« Assimil, une recette différente
Vos ingrédients :
·
Un condensé de grammaire
·
Une bonne dose de conversation, à base
d’éléments nutritifs et variés ;
·
Un saupoudrage savamment dosé de conseils d’amis
et de tuyaux sur les coutumes locales
·
Une bibliographie légère (ouf pas d’indigestion
à la clé C’est moi qui rajoute.)
·
En dessert, un double lexique (j’ai parlé trop
tôt)
·
Pour pimenter un peu le menu, un zeste d’humour
avec nos illustrations souriantes ;
·
Et en prime, six rabats ingénieux pour vous
mettre en appétit.
Il ne vous reste plus qu’à mettre les pieds sous la table
pour déguster ce repas équilibré au gré de votre appétit, et en tirer tous les
bienfaits : confiance, joie de communiquer et de devenir un peu plus qu’un
simple touriste. »
A méditer donc…je trouve que finalement parler
d’alimentation c’est un peu parler du monde.
Je survole bientôt l’île Jersey. Je suis au-dessus d’une
immense barbe à papa nature, et j’y fourrerais bien mes doigts…J’aperçois au
travers de la mousseline quelques plages et un …poisson rouge.
Je suis derrière chacun de tes pas, tu es dans mon coeur .....Mère India t'ouvre ses bras, brassage de couleurs, d'odeurs, chaleur, moiteur, que du bonheur ....Zehra
RépondreSupprimerTrop TOP, tu racontes à me faire baver!! Ton fidèle lecteur. Gaby.
RépondreSupprimerJe me délecte de tes mots! J'attends avec impatience le recit de tes prochaines etapes.
RépondreSupprimerDe belles et douces pensées pour cette courageuse et fabuleuse aventure qui commence.
Bisous Elena
Quel plaisir de te lire, j'espère tellement que tout va bien se passer. Tu vas découvrir ce somptueux pays qu'est l'Inde, j'espère que tu y trouveras le meilleur accueil possible. Je t'embrasse bien fort, je vais te suivre au fur et à mesure de ton cheminement!Je t'embrasse bien fort. Manon.
RépondreSupprimerVous êtes dans mon coeur à chacun de mes pas. J'écris au fur et à mesure sous word comme ça je peux garder mes écrits donc vu le décalage horaire et de fatigue ça arrive doucement !
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