Il n'y a rien à faire, je préfère retrouver le soir tard ces rues mal éclairées, ces petites cahutes végétales, les remontées d'odeurs et le bruit de l'océan qui frotte de son écume les façades arrières plutôt que l'allée blanche qui borde la ville. Ce soir, malgré ma fatigue et l'insatisfaction quotidienne de mon repas au dining-room de l'ashram- il m'a fallu sucer un simple noyau de mangue en guise d'un fruit et encore couper en menus morceaux mon pain dans un yaourt fadasse après trempage d'un riz blanc dans une soupe claire- j'étais bien heureuse de retrouver mon vélo et de traverser ce quartier. J'adore la nuit, car les maisonnettes sont allumées et l'on aperçoit l'intérieur, mais aussi l'organisation pour la nuit. La plupart des gens dorment dehors et sortent des nattes et même des espèces de lits en ferraille sur le devant de leur maison. D'autres époussettes le sol avec des balais de paille avant de s'installer qui sur une pirogue, qui sur les rebords d'une statue en front de mer. La journée avant le coucher de soleil, on voit les vieilles femmes entourées d'un ou deux chats- c'est le quartier des chats amoureux des pêcheurs!- en train de leur éplucher le poisson du jour. Tout le monde a l'air bien heureux dans cette simplicité et moi je retrouve le sourire que je perds parfois au cours de la journée car je donne souvent beaucoup de moi dans les départements et je suis souvent tiraillée par le désir de donner moins et de m'offrir plus...mais cela n'est pas si simple. La chambre me coûte trois fois plus cher que la première et il me faut faire attention si je veux arriver jusqu'à mi-août. Alors il m'arrive entre deux rendez-vous de déambuler des heures en plein soleil en cherchant l'inspiration...Zut, j'ai fait un faut geste et j'ai supprimé tout un pan de texte: ça m'apprendra à écrire directement en ligne mais je profite de ma connexion pour aller au plus vite.
Au dernier cours de yoga, je me suis blessée, un étirement qui n'a pas plus à un long muscle partant de la hanche. Du coup j'avais si mal que l'enseignante de l'école de Sri Aurobindo, m'a orientée de sa part vers la clinique de l'ashram qui du coup est gratuite. J'ai été reçue hier par un médecin assez rapidement qui m'a demandé de revenir aujourd'hui. Il m'a donné en complément de mon arnica, une poudre blanche qu'il m'a fait glisser dans la bouche et que je n'avais pas dans ma trousse homéopathique:Rhus tox.
Aujourd'hui je suis revenue, il y avait une femme, la kiné certainement et son assistante. Etrangement les soignants sont en short ce qui pour une fille étonne. Dans la ville certaines corporations obligent apparemment ce port vestimentaire qui pourtant pourrait sembler inapproprié dans un pays où l'on porte plutôt le sari et où l'on te fait comprendre que ton décolleté même très léger mériterait d'être couvert par un châle.
Pendant que j'attendais dans cette petite salle qui ressemblait à un mini hôpital de campagne, je lisais les affiches qui montraient des exercices de yoga pour soigner ses douleurs musculaires; Je n'ai pas tenté vue ma piètre capacité à sentir mes limites. La dame est venue me demander ce que je faisais ici, ne ressemblant pas vraiment à une ashramite et j'ai réussi en anglais à balbutier quelques mots mais j'avoue que là encore la langue des signes a été plus efficace. On dirait que mon anglais avec la chaleur s'évapore dès que j'en ai besoin. Elle a demandé à son assistante de me coller un pack de glace. Là, il m'a fallu demander si je devais me déshabiller. J'ai eu un hochement de tête mais limite en montrant 30 centimètres de peau blanche j'ai cru que je faisais un attentat à la pudeur. Cela dit, je ne vois pas comment recevoir des soins sans ce simple geste. Voyant la femme toute penaude avec son pack de glace et son regard un peu choqué, je lui ai fait comprendre que dans mon sac j'avais un "chââââle"...D'un coup d'un seul, son sourire est revenu, ouf, la petite blanche va disparaître sous sa couverte...et là je suis restée à me faire geler la cuisse pendant au moins une heure. La kiné est passée entre pour tout de même me caler un oreiller sous la patte mais elle s'est bien gardée de me regarder ou de me toucher. Je dois être une intouchable ici encore! Cela dit, après, elle a été très sympa, m'a demandé de revenir plusieurs jours pour mon heure de glaçage tout en me donnant d'autres sachets homéopathique. Quand même elle m'a rappelée en partant pour me tendre un grande plaque hansaplast à la belladone en me disant de la mettre dès que j'allais rentrer me reposer...sauf que j'ai enchaîné avec le département d'ayurveda me réchauffant la cuisse en pédalant à deux à l'heure sous 40 degré et que c'était un peu grillé si je puis dire pour bénéficier du froid. Là ça m'a un peu énervée car le médecin m'a demandé de revenir 40 minutes après car il n'avait pas fini un truc alors que je venais avec mes cours que je lui avais promis. Je suis donc repartie pour 40 minutes d'errance. Ensuite nous sommes restés à discuter pendant une heure et demi. J'ai un peu eu du mal car le vieux thérapeute d'ayurveda s'est joint à nous et m'a demandé des détails sur ma spiritualité et là j'étais bien emmerdée. Parce que bon, déjà expliquer où j'en étais vu mon passif sur ce sujet ce n'est pas simple, qui plus est en anglais, qui plus est avec un dévot, qui plus est avec quelqu'un qui te fait vite comprendre que tu ne connais rien sur rien et que ne pas connais les Upanishad et les Védas et je ne sais quoi d'autres c'est quand même rejeter les racines indiennes...Ben oui, je suis là pour ça d'ailleurs...bref, il est parti certainement écoeuré par la misère de mon savoir et pas la peine d'essayer de lui faire comprendre le cursus psychanalytique et la recherche personnelle sans gourou! Heureusement son petit collègue lui a bien été attentif et j'ai réussi à lui faire un peu passer ma pensée et ma façon de considérer la spiritualité. Dans ce type de discussion je peux dire que j'ai une dent forte contre mon anglais car j'accumule les blancs, et le langage des signes par contre quand il s'agit de philosopher c'est même pas la peine d'essayer parce que c'est comme si on creusait son propre trou pour s'y enterrer. Bon cela dit, rien de méchant mais je suis repartie bien plombée. Il me fallait encore marcher 20 minutes jusqu'à l'ashram, manger en face d'indiens qui rotent et se gargarisent la bouche devant toi - je ne suis pas intolérante mais sincèrement faut y être pour s'en donner une idée mais personnellement quand on me rote dessus la bouche ouverte de façon très naturelle toutes les 5 minutes, j'ai un peu de mal à cadrer la spiritualité du lieu. je finis même pas me dire que je vais finir au restau tous les jours seule à une table parce que je n'en peux plus par moment. Ensuite il m'a fallu marcher encore 20 minutes jusqu'à mon vélo, puis pédaler 10 minutes dans le noir. Je vous laisse imaginer ce que ma hanche en dit...mais il y a quand même moins d'inflammation depuis le cold pack.
Dans la Guest House j'ai fait la connaissance d'une vieille polonaise que j'ai encadrée à la clinique des yeux, mais je ne sais pas pourquoi, depuis que l'on m'a demandé de lui faire apprendre ses exercices, c'est à peine si elle me parle...
Là je suis toute seule dans la salle de lecture, entourée de livres de spiritualité dans toutes les langues. J'ai emprunté les propos sur l'éducation de Mother car le peu que j'en ai lu m'a vraiment intéressé. Franchement, au-delà de la dévotion que l'on peut ne pas trop vouloir suivre, c'est impressionnant en peu d'années, la quantité d'écrits et de projets que cette parisienne en coopération avec Sri Aurobindo le poète philosophe ont mis en place, organisant par ce biais tout une grosse collectivité qui fonctionne à la chaîne mais dans un esprit d'offrande...J'ai pas mal discuté avec une vieil homme qui travaille au Bureau de l'Ashram en lui demandant comment l'on pouvait demander à être volontaire. C'est en général pour une période de trois ans avant d'être intégré parmi les membres. Il m'a vraiment aussi asticoté de questions pour connaître mon parcours, mes motivations. Il aimait bien mon authenticité et le fait justement que contrairement à d'autres je ne m'enthousiasme pas - si je puis utiliser ce mot au sens étymologique du terme- avant d'avoir lu suffisamment d'oeuvres. Car ici, l'enseignement est individuel, et la mise à l'épreuve l'est aussi: personne ne nous prend la main, y compris pour la pratique du yoga ( du coup tu peux te faire mal parce que tu es rivé à ton corps et pas à ton esprit...seulement vu que j'ai du mal à saisir mon esprit, je préfère encore me rattacher à quelque chose que je visualise un peu plutôt qu'à un concept où je risque de me casser les deux pattes vu la fragilité de la chose actuellement...) Bref, je poursuis ce que j'ai décidé de faire: expérimenter le don de moi-même pendant plusieurs semaines, apprendre et enseigner et voir comment je me sens dans ce milieu tout en restant libre de regarder un peu ailleurs et d'en tirer des clés pour mes actions et choix à venir. ce qui est sûr c'est que je me plaît dans cette école et surtout à la clinique de la vision parfaite. D'ailleurs là, je vous le dis, j'écris les yeux fermés depuis le début. ( mais parfois je les ouvre ici quand tout est si beau...les jours pairs)
je viens de découvrir ce message ........... tu en baves ma fille.... prends soin de toi et ne donne pas plus que tu ne peux ... en fait tu ne dois rien à personne ... tu n'auras pas forcément plus de reconnaissance des autres . Sans être égoïste et tout en participant tu dois faire attention à toi. Tu as dû te rendre compte de leur notion du temps .. tu n'es pas obligée de suivre un timing exact ... Fais des choses mais tu n'as que 2 bras et 2 jambes alors cool.
RépondreSupprimeret mange ailleurs si tu ne peux pas avoir qq chose de correct à l'ashram.
Gros bisous ;
Maman