lundi 23 juillet 2012

Orphelinat


 Retour à l'orphelinat pour fêter l'inauguration de l'atelier d'apprentissage chez les garçons. Alice," la mère" de tous ces enfants m'a conviée à la cérémonie et je n'ai pas hésité malgré la fatigue à sauter sur mon vélo et à traverser la ville à fond pour ne pas rater la voiture qui devait m'y mener avec un photographe de l'association des Enfants des rues de Pondichery. La maman d'Alice semblait un peu mieux sur son lit de malade mais c'est toujours éprouvant de voir quelqu'un souffrir sur un lit. Cependant, c'est la première fois que je l'ai vue les yeux ouverts me souriant et cela m'a vraiment fait plaisir. J'ai discuté pas mal de temps avec Hervé, ce prof de philosophie photographe pour l'association. Il me racontait que le jour d'avant, il avait eu la tristesse d'assister à l'abandon de deux nouvelles petites filles à l'orphelinat: les mères sont venues signer les papiers et sont parties sans un regard en tournant le dos aux petites qui les regardaient s'éloigner...pour la vie...si je puis dire...pour une autre vie....Je trouve cela très triste et j'imagine la douleur des fillettes et le souvenir de ce "DOS" gravé à jamais dans leur petite tête. Heureusement, l'orphelinat est d'extrême qualité et certains garçons revenus assurent qu'ils ont été vraiment heureux de grandir ici car sans ce lieu, ils n'auraient jamais eu l'opportunité d'apprendre tout ce qu'ils ont appris y compris en art, danse, musiques, cuisine...mais surtout en matière de fraternité, d'amour et de grande famille. Car pour cet orphelinat il s'agit de cela. Alice et son mari sont deux personnes qui ont un coeur sans limite et gèrent superbement ces enfants élevés dans le plus grand respect et l'amour possible. Il n'est pas question d'adoption, il est question d'apprendre à vivre ensemble, d'apprendre à grandir ensemble mais surtout d'apprendre à s'aimer, à aimer ceux qui les aident y compris ceux qui donnent de l'argent à l'orphelinat. Alice met tout au plus grand jour et les enfants voient qui les aide et doivent remercier pour ne pas oublier et être capable de donner à leur tour plus tard s'ils le peuvent. Il n'est nulle question de la dette comme en Occident, là il s'agit juste d'un profond respect pour une vie qui les a sortis d'une grande misère et de drames profondément inhumains...

Je suis sidérée à chaque fois de voir la grandeur de leurs sourires, l'éclat de leurs pupilles, la beauté de leurs gestes aussi bien quand ils saluent, que quand ils jouent, travaillent, dansent...

Nous sommes donc partis juste Hervé et moi dans le petit car pour les enfants des Rues. Il n'y avait plus la vitre de la plage arrière qui continuait totalement brisée de s'éparpiller sur le sol. Nous avons semé le caoutchouc du bord à mi-parcours. On a dû tenter de leur voler ce qu'ils avaient dans le coffre et je trouve ça déplorable car il va bien falloir réparer ce qui sert de transport scolaire pour les enfants.
En arrivant, un rangoli géant accueillait les invités.
Pour la première fois, garçons et filles étaient réunis dans le même lieu: les filles à droite, les garçons à gauche. ça pétillait de couleurs, de rires, de mouvements, et entrer dans cette cour du bonheur c'est devenir amnésique de tout ce qui pourrait ne pas en être et se faire prendre dans cette divine énergie.
 
Pendant que la plupart des enfants attendaient- assez longuement- les invités de marque, c'est-à-dire ceux qui ont permis de financer la nouvelle salle, d'autres se préparaient en "coulisse" :
  
D'autres finissaient les derniers préparatifs: coudre la nappe pour les filles, faire un dernier brin de ménage côté garçon:


J'ai un coup de coeur pour ce petit garçon à grande cicatrice, et je crois qu'il en est de même pour lui car à plusieurs reprises il m'a demandé de venir m'asseoir à côté de lui, m'offrant un regard doux et abyssal.

Les prémices de la cérémonie ont commencé avec un petit orchestre placé entre les jeux et les toilettes multicolores.
J'ai adoré observé les moments insolites, comme ce petit garçon, obligé d'aller aux toilettes mais laissant la porte ouverte pour ne pas en perdre une miette!

L'attente par la suite s'est largement prolongée, ce qui m' a permis de voir la qualité avec laquelle les plus grands s'occupent des plus petits: je n'y ai vu que tendresse et protection...Jour après jour je prends ici des leçons d'humanité, et il faudrait vraiment que cela ne soit pas emprisonné dans un trait de gutta: ces couleurs et cette finesse doivent absolument irradier au-dehors de ces lieux pour que chacun prenne un peu de cet éclat et n'oublie pas quand cela est possible, de regarder ce qui se fait de beau dans des situations on ne peut plus difficiles. Et là, je salue encore Alice qui donne tout ce qu'elle possède en temps, argent, amour pour préserver ces enfants. Depuis 1991 c'est 3000 enfants qu'elle a sorti de la rue!

J'ai été stupéfaite par la qualité du spectacle. Alice m'a fait mettre devant après m'avoir aussi prise dans ses bras pour la grande photo officielle alors que je n'avais pas participé à la peinture des lieux ni au projet. J'ai été très touchée qu'elle m'appelle, voyant que je m'étais mise en retrait pour justement laisser en première ligne les étudiants qui venaient de Nancy et qui avaient passé leurs jours et leurs nuits à finir l'atelier pour le jour de l'inauguration.
C'est un sponsor français qui a permis le financement et le coq lui-même était là pour le rappeler! J'ai bien ri lorsque ce dernier a tenté de faire demi-tour sur la rambarde et à posé une de ses pattes à côté! En tout cas, il n'a pas semblé apeuré par les tambours, les cris et la force de la sono qui a failli me rendre sourdre.

Nous avons d'abord eu droit à un petit concert parfaitement interprété sur des instruments magnifiques;


Ensuite, ça a été une suite ininterrompue de danses interprétées avec une énergie incroyable, un rythme qu'il m'aurait été impossible de suivre, un travail de groupe et de placements impressionnants tout cela avec des sourires " tranches papaye" et une capacité à offrir de la joie hors du commun. Les grands garçons avaient une tenue du corps digne des plus grands danseurs et j'ai été vraiment bluffée par la mémoire de ces enfants et surtout par la facilité avec laquelle ils semblaient danser des pas qui n'avaient vraiment pas l'air simples à effectuer.


 

Je ne peux m'empêcher même si ça oblige à se tordre le cou, de donner aussi à visualiser la réalisation de cet enfant avec le bâton: c'était magique!
 
Les filles ont dansé vers la fin, tout en couleurs, avec une énergie et un visible plaisir communicatifs. Impossible pour les spectateurs de ne pas participer corps et âme à ce qui relève du véritable don et d'un partage sans restriction.

 Pendant une légère entracte, des groupes d'enfants sont venus nous apporter un plateau de samossas qu'ils avaient fait dans leur cuisine. Je n'en ai pris qu'un mini mais je l'ai trouvé excellent! 

Je n'ai hélàs pas pu rester jusqu'à la fin de la soirée car je devais rentrer avant 22h, heure à laquelle ferme la guest house de l'ashram...mais avec Alice nous avons convenu que je reviendrai dimanche prochain pour passer l'après-midi avec les 32 filles vu que maintenant il y en a deux de plus....

Merci Alice, tu es une grande dame...ton mari aussi, un vrai père pour ces presque 140 enfants actuellement présents. Puisse l'orphelinat des filles se développer et donner autant de bons résultats que pour les garçons!
Vanakam et Nandri....pour tous....je vous aime tant et tant, vous êtes magnifiques et je vous souhaite le plus grand bonheur sur cette terre qui vous accueille comme des élus à préserver jusqu'à ce que l'on soit sûr que vous trouviez un travail et une femme ou un mari...Rien à dire, il faut comprendre pour ne pas juger et tout ici est profondément respectable et remarquable.



Je suis retournée dans mon petit quartier de pêcheurs, seule, les pieds traînant dans le sable et la chaleur de la mi-journée pour aller distribuer comme promis les photos que j'avais prises pour les habitants. ça a été l'occasion de partager encore un joyeux moment avec les enfants et les adolescentes. Vraiment, je me sens bien ici, et les regards ont vraiment changé. Je ne suis plus la petite touriste inconnue, et les enfants me crient des "love" "love" en courant derrière moi puis s'arrêtent en me parlant de leur famille en me montrant le bateau de leur père au loin sur l'océan. Ils sont très drôles, parlent parfois un bon anglais ce qui me permet de comprendre plus leur façon de vivre. Le dimanche c'est leur jour de repos, ils en profitent pour se balader entre les filets de pêcheurs en suçant des glaces et en traînant leurs jouets fabriqués.

Presque chaque maison a sa petite chèvre avec son collier de perles autour du cou: j'adore ça, elles se perchent sur les filets de pêcheurs ou se serrent à l'ombre des barques posées sur le sable après la matinée de pêche.

Les petites biquettes ont la vie parfois dure quand elles sont prises dans les bras comme des chats par les enfants. Mais ils sont si fiers de me montrer ce qu'ils possèdent qu'ils ne se rendent même pas compte qu'ils leur font peur.

J'aime beaucoup regarder les femmes préparant les épices pour les sauces, chutneys: certaines râpent la noix de coco, pendant que d'autres épluchent de multiples graines devant leur maison de paille ou ôtent pendant de longues minutes les feuilles de cumin pour le Sambar ( soupe de légumes aux multiples épices dont je raffole...)
     Les adolescentes avec lesquelles j'ai sympathisé me donnent quelques feuilles qu'elles cassent entre leurs ongles pour me faire sentir les arômes. C'est un véritable bonheur. Là encore, on rit beaucoup car elles sont vraiment très espiègles et ne cessent d'embêter leurs petites sœurs: rien de bien différent qu'en Occident!

Je dois parfois écarter quelques personnes qui me demandant quelques roupies pour manger mais surtout le coiffeur qui me suit toujours avec sa longue paire de ciseaux et son brumisateur qu'il m'envoie dans le nez pour me couper les cheveux et recevoir quelque monnaie! Je m'écarte toujours en riant mais il reste assez "collant"! Cela dit, je trouve vraiment la situation assez rigolote et les femmes devant la porte échangent quelques clins d’œil en se moquant un peu de moi avec leurs voisines. Mais je réussis à ne pas me sentir mal à l'aise et je continue ma route comme si de rien n'était. D'ailleurs, il suffit que je dise que je ne suis pas là pour donner de l'argent mais pour aller voir quelques amis pour qu'on me laisse tranquille. On m'indique même souvent un nouveau petit trajet qui me permet de découvrir de nouvelles plages où aucun touriste ne se trouve. les pêcheurs m'invitent à m'asseoir près d'eux et je les regarde un peu jouer aux cartes. Ils me proposent souvent de revenir pour faire du bateau mais j'avoue ne pas encore avoir pris le temps de le faire. Peut-être lorsque je reviendrai de l'ashram de Tiruvannamalai. Je voudrais bien oser cette petite aventure mais comme à chaque fois ils me demandent si j'aime nager, je me demande si c'est pour rire ou non! Je n'ai pas trop envie de me retrouver à patauger au milieu de l'Océan Indien qui a oublié d'être sage comme le rivage...

Juste un intermède: je suis allée manger seule une des meilleures dosa que j'ai mangée depuis mon arrivée en Inde avec deux parottas accompagnées de chutneys au goût divin! J'en étais là, tranquille face à mon assiette à savourer avec mes dix doigts manchots de la main droite et en trichant avec la main gauche quand le serveur cessait de me regarder, quand j'ai eu la mauvaise idée de lever les yeux....face à face avec le plus gros cafard que je n'ai jamais vu: plus gros que mon pouce! Ça fait un drôle d'effet quand à ce moment là on a la bouche pleine! Mais je commence tellement à avoir l'habitude de voir valser les rats d'un côté, les autres bestioles de l'autre, que j'ai pris sur moi et je me suis dit que cette présence était juste due à l'insalubrité de la plupart des locaux ici et à la chaleur. J'ai choisi un petit restaurant qui ne paye pas de mine, et je pense que rien ne peut empêcher de telles infiltrations...ça m'a juste aidée à oublier la chose et à finir ces plats très bons pour lesquels je n'ai payé que 80 centimes d'euros! Je reviendrai voir mon cafard! Ce restaurant jouxte le sacro-saint Suguru blindé de touristes depuis le début de l'été. Je n'avais autour de moi que deux trois couples d'indiens qui me faisaient de super sourires et franchement, pour rien au monde je ne changerai mon indian'attitude: adieu, guide du Routard!

Le gag c'est de s'apercevoir que pendant que nous, les filles on pousse d'un côté, deux garçons- inconnus et non visibles- poussent de l'autre!


Je vais tenter de récupérer mon retard: les pannes de courant et de wifi sont légion ici et il faut bien s'adapter. Par ailleurs, c'est si fatiguant de vivre en plein soleil, de faire des kilomètres à vélo d'un endroit à l'autre que lorsque je rentre, je n'ai pas spécialement l'énergie pour me mettre devant un écran.

Donc voilà...C'est mon anniversaire, ce 21 juillet! J'ai toujours eu du mal avec ces célébrations sauf que là, je me suis fait avoir car je me trouve dans un lieu où l'anniversaire est presque un jour saint. C'est le jour où l'on est le plus "ouvert", réceptif, et c'est justement ce jour où l'on peut s'ouvrir à de nouvelles énergies, projets de développement personnel...comme un cycle qui peut se répéter à l'infini sans se soucier de l'âge qui n'est qu'un décompte stupide élaboré par l'homme pour tenter de se situer sur une ligne du temps qui n'est en fait qu'un pur artifice..surtout restons dans ce qui s'appréhende, se visualise, ne tentons surtout pas d'imaginer que le vide est en réalité là où se trouve l'énergie la plus importante...Ce jour, j'ai compris l'objectif de la méditation, j'ai compris à quoi pouvait servir le silence, à quoi pouvait servir un anniversaire, à quoi pouvait servir de donner sans chercher à recevoir par la suite, j'ai compris ce qu'était l'accueil, j'ai compris que j'allais aimer mes anniversaires et ceux de mes proches...Et j'essaierai chaque fois de mettre un peu plus de pratique dans toutes mes théories.

Alors le don simple, ça peut être ça qui vous attend à la tombée de la nuit, donné par quelqu'un qui n'a pas grand chose mais a énormément: l'intention et le coeur...ça ne se mesure pas parce que l'on ne peut voir ni le début et la fin, ça ne se compte pas parce que rien ne peut l'être, ça ne se discute pas parce que c'est une énergie qui distille tout son baume à l'intérieur...ça s'accepte, tout simplement:

Un anniversaire ça se commence avec rien, sans attente spéciale de la journée, juste effectivement une sensibilité à fleur de peau...on ne sait si c'est bon ou mauvais, s'il faut se protéger plus ou faire confiance à tous, s'il faut le dire ou pas...Alors j'ai décidé d'aller travailler comme tous les samedi au jardin de l'ashram. Juste avant de prendre le bus, en sortant du Samadhi, mon ami italien est arrivé et m'a offert deux jolies fleurs venant de l'ashram. Je pensais que c'était interdit, mais il paraît que ce jour, c'est permis...offrir des fleurs dédiées à Mother, c'est offrir leur vibration, leur signification, leur intention...

Je suis allée donc faire ma cueillette hebdomadaire avec Veronika, et d'autres ashramites. Aucune différence avec les autres jours, toujours de la bonne humeur, des petites discussions sur la spiritualité et la vie entre deux arbres ou bosquets de fleurs et...beaucoup de chaleur!

Chaque fois c'est un feu d'artifice pour les yeux: tout blanc, puis tout violet, puis jaune, rouge...nos "trays" se remplissent en partenariat, on repart qui avec la récolte sous les bras, qui avec la récolte sur la tête. les femmes tamoul qui travaillent avec nous sont toujours d'une beauté fulgurante même dans leurs immenses chemises et leurs bouts de tissus troués adaptés au travail du jardin. Mais ce jour-là, il est vrai, je me sentais quand même un peu différente, heureuse certainement de ne pas avoir à penser comme en occident...mais encore ignorante de ce qu'était pour eux un jour d'anniversaire...

Etonnamment, ce jour-là, la table était presque vide, nulle fleur à nettoyer, aucun bouquet à faire...
 La maison aussi était vide...mais toujours aussi belle.

Puis on m'a appelée...vous vous souvenez cette porte, cette porte que certains ici voulaient ouvrir...et bien, elle était ouverte:
Ouverte sur le lac géant de lotus, ce lac qui environne l'île...aux oiseaux.
Et au loin j'aperçois une petite barque qui s'approche doucement, avec une certaine pénibilité même, au milieu de ces fleurs attachées au sol, emprisonnant rames et libérant les rires.
Cette barque a été mon premier cadeau d'anniversaire, ou plutôt mon deuxième car Véronika entre ces deux portes m'a offert une magnifique carte écrite en espagnol avec un petit collier fabriqué avec des graines de basilic sacré qu'elle avait ramené de l'Himalaya...J'étais déjà plus qu'émue et heureuse...mais quand je suis montée à mon tour pour presque deux heures avec mes deux amis pour aller glisser sur l'eau ( et ramer avec énergie!), j'étais pour ainsi dire aux anges. C'est comme si ma tête s'était ouverte en deux et que je recevais une lumière infinie à l'intérieur. L'eau en miroir, les oiseaux tourbillonnant au centre, le soleil sur les bras, le bruit des rames se battant avec les lotus et un environnement magnifique m'ont laissé un souvenir inoubliable...Nick n'a pu s'empêcher de faire un plongeon dans l'eau menaçant de nous faire basculer tous, mais nous avons été quittes pour une bonne partie de rire. Il est resté ensuite à sécher en position de lotus également à l'arrière, ressemblant à un Jésus trempé avec son corps tout maigre, sa barbe et ses grandes anglaises...

Cette parenthèse sportive m'a fait un bien fou...

Un merveilleux jus de papaye frais nous attendait et la maîtresse des lieux nous attendait à la table sur la grande terrasse où tous les jeudi nous avons l'honneur de participer aux Pudja et d'entendre les chants magnifiques priant en sanskrit la pluie de tomber...

Un signe pour me faire approcher, un livre tendu: la signification de l'anniversaire écrit par Mother aux étudiants sous forme de conversation...un temps obligé de lecture, un temps de silence où je me suis trouvée en confrontation avec mes idées d'avant, mes sombres idées autour de l'anniversaire...puis une porte fermée s'est ouverte, j'ai laissé cette lumière entrer...j'ai levé les yeux et un magnifique bouquet m'attendait et les ashramites autour me prenaient en photo...J'étais extrêmement touchée par la situation totalement imprévue le matin même. Extrêmement touchée aussi par ce que m'a racontée l'indienne Kirandi qui a connu la Mère et ses douces paroles, son accueil permanent pour les membres de l'ashram ce jour si particulier. Elle tenait même un registre avec tous les noms et les dates pour en manquer aucun: ce jour-là elle venait voir son protégé et pour rien au monde n'aurait passé outre ce temps. D'ailleurs, si une personne venait à lui dire qu'à ce moment elle n'était pas disponible, elle lui demandait quand elle le serait..et elle était là, accueillante, un sourire aux lèvres, présente, attentive aux souhaits, aux mots de ses "enfants"...Elle guidait leur spiritualité avec une simplicité et une rigueur telle, que tous se sentaient envahis par l'énergie particulière de ce jour...
Kirandi ce jour a été cette "Mère"...elle m'a dit des mots que je n'avais jamais entendus tout en me faisant découvrir d'autres sens donnés par les fleurs composant mon bouquet...Je sais déjà que je reviendrai l'an prochain...je le sais parce que je n'ai pas fini d'emprunter ce chemin qui a un début dont j'ai perdu déjà les prémices et une fin qui n'existera pas, car lorsqu'une voie est ouverte et aide à grandir  pour toute la vie, et bien, elle reste ouverte....il n'y a qu'à pousser la porte, y revenir, y repenser...

Retour du jardin, je m'apprête à aller m'acheter à manger car je n'ai plus de tickets pour le dining-room. Là, c'est Nick qui s'approche et me demande mes "plans". Je n'en ai pas vraiment, à part que je dois mettre les fleurs dans un vase car elles ont chaud...comme moi. Mais je finis au Suguru Restaurant, invitée à manger un bon Thali!

L'après-midi je reçois un mail du Président de l'ashram de Tirunnamavalai , qui m'accepte pour trois jours alors qu'au départ, vu qu'ils avaient des problèmes d'eau tant ils souffraient de sécheresse au milieu de leurs montagnes, cela n'était pas possible. Mais j'avais réitéré ma demande en insistant sur le fait que j'avais vraiment en moi le besoin d'y aller avant de repartir en France. J'ai été entendue et je pars donc seule après-demain matin dans ces lieux sacrés au coeur du Tamil-Nadu.

Enfin, le soir, j'ai retrouvé ma nouvelle amie française Mélanie pour assister à des sketches à l'Alliance française joués par des étudiants en français de Bungalore. Mais c'était tellement nul et inaudible car le son était pourri, osons le dire, que nous avons arrêté le massacre. Il faisait nuit noire et les rues étaient non éclairées donc pour m'éviter de tomber dans les trous de cette ville perforée par les travaux, Mélanie m'a " donnée sa lumière" en me suivant avec son scooter jusqu'au grand restaurant la Promenade où j'avais réservé deux places sur la magnifique terrasse. Cela faisait deux mois que je n'avais pas mangé de poisson étant au régime strict végétarien de l'ashram et je n'ai pas voulu me priver ce jour-là. C'était très drôle car on nous a donné la table unique au milieu, surélevée par un podium. J'étais un peu gênée au départ de me retrouver comme ça plantée au milieu des autres mais nos échanges, notre bonne humeur nous ont vite fait oublier la situation. J'ai vraiment aimé ce que j'ai pris, par contre c'était "rat" si je puis dire, car les trois petits filets de poisson étaient accompagné d'un seul haricot, un quart de carotte, un petite fleur de chou fleur et trois cuillères à soupe de riz basmati. Mais c'était si bon que je gardais trois fois plus longtemps chaque bouchée que ce que je fais d'ordinaire à l'ashram même si j'ai pris l'habitude de manger très très lentement en me concentrant justement dans le silence obligatoire du lieu. ( Même si les bruits des ashramites seraient parfois plus agréables s'ils étaient couverts par quelques discussions animées et plaisantes...)

Il a commencé à pleuvoir ce qui nous a amené un peu de fraîcheur et cela ne nous a pas dérangées puisque nous avions fini le repas. Il faut savoir que le prix que j'ai payé correspond à presque 50 jours de nourriture à l'ashram!

Je suis revenue dans la nuit noire. En Inde on apprend à devenir nyctalope, et les yeux sont remplacés par la mémoire de la route du jour et par les oreilles. Je vois mille fois mieux qu'en France! Il faut dire que cela fait aussi un mois et demi que je travaille à la clinique de la Vision Parfaite et que les exercices ont vraiment amélioré la qualité de ma vue qui pourtant n'était pas si catastrophique que cela. Bref, vélo entre les gens endormis par terre, évitant les filets des pêcheurs tendus d'un bout de la rue à l'autre sur plusieurs kilomètres, les chiens kamikases, les poulets, les trous, les enfants qui vont d'une maison à l'autre avec juste un petit collier entre les fesses pour vêtement et surtout les petites motos sans phare,et les vélos roulant comme moi à l'aveugle. Mais j'arrive toujours entière, et ça commence même parfois à me plaire ces petits moments où la vue passe à un autre niveau.

C'est là que j'ai trouvé mon dernier petit cadeau de la journée coincé dans la clenche de ma porte composé d'un bout de papier toilette pour l'emballage, d'un tout petit bout d'écorce, de quelques brins d'encens au santal- mes préférés- et d'un sachet de tisane bio au basilic sacré encore!

J'ai donc passé une journée magnifique que je n'oublierai pas.

jeudi 19 juillet 2012

Hier, lever 4h45, bicyclette, rickshaw à trois à fond les manettes en zigzagant entre les chiens et les vaches endormis au milieu de la route, direction le Bus Stand.
Pile poil en arrivant, le bus pour Mahaballipuram partait, il n'y a eu qu'à sauter dedans. Nous voici donc, Nick l'américain, Veronika en provenance de l'Equateur et moi la petite française partant pour la jolie ville des Sculpteurs. Le bus était bien meilleur que celui que nous avions pris la semaine précédente pour Gingee. Seulement au moins pour Gingee, nous avons pu être assis dans les deux sens alors que là, le retour a été terrible vu que nous avons dû passer après 5 heures de marche, presque trois heures debout à tenter de ne pas valdinguer dans les décors à chaque coup de frein!

Bref, nous sommes arrivés vers 8 h 30 avec une petite anecdote car nous avons raté l'arrêt de la ville qui se situait deux kilomètres avant, et du coup, on a été déchargés juste après la ville lorsque l'homme qui  vend les billets s'est aperçu que nous n'étions pas descendus. C'était parfait pour nous car nous étions vraiment proches du centre. D'emblée, le premier panneau nous a donné le "la":


Comme toutes les villes de l'Inde, ça s'éveille doucement, et nous avons commencé notre journée en marchant un peu au hasard dans les ruelles bordant l'océan pour tenter un premier repérage des lieux. Nous avons bien ri lorsque Veronika en demandant la direction du Shore Temple à un marchand de quartier, s'est vu tendre un rouleau de papier toilette! Je ne sais pas ce que l'homme a compris, mais en tout cas, à l'évidence il ne parlait pas l'anglais. Etrangement, la rue semblait être le lieu de rendez-vous de tous ceux qui avaient une envie pressante, c'est peut-être ce qui a conduit à ce malentendu...

Un homme m'a abordée qui s'est avéré être un sculpteur. A trois reprises nous l'avons croisé dans la journée ce qui a permis d'être invités dans sa fabrique où il nous a expliqué son travail ainsi que celui de toute sa famille puisqu'ici la plupart des sculpteurs travaillent la pierre de génération en génération. Ce qui était très intéressant c'était de comprendre la symbolique des éléments sculptés ou gravés. L'homme manquait de modestie et a bien tenté de nous vendre à fort prix ses créations de très bonne qualité il est vrai, mais comme nous étions venus avec très peu d'argent, nous n'avons pas été emberlificotés par son long discours aussi intéressant soit-il. Heureusement car après nous avons vu parfois 3 à 4 fois moins cher les mêmes oeuvres mais il est vrai, de moins bonne facture...si je puis dire...Cependant je ne regrette aucunement ce temps passé à découvrir les dessins qui lui servent de modèle!

Je me suis intéressée en commençant par visiter la partie de la ville appelée "le village des sculpteurs" au dispositif de travail, aux modèles, esquisses, demandant à chaque fois un peu d'explications. Parfois un dessin servait de modèle comme ci-dessus, ou bien une grande photo, ou alors, une autre sculpture notamment pour le travail des mains.

Ici c'est impressionnant car tous les sculpteurs ont une maîtrise impressionnante de leur art et beaucoup ont travaillé dans des grandes villes internationales. Il semblerait que l'on sache où faire le recrutement et je comprends bien pourquoi quand je vois la finesse de certaines sculptures.
 ( je poursuivrai demain, je suis crevée!^^)
- Anecdote avant de continuer: lorsqu'hier soir j'ai cessé d'écrire ici, il était 23h, toute la maison était fermée et malheureusement, je me suis aperçue que mes clés étaient restées à l'intérieur de ma chambre et pas moyen de l'ouvrir de l'extérieur! J'ai eu un bon pic de stress car je me suis demandée ce que j'allais faire pour passer la nuit! Finalement, dans le salon le garde dormait sous sa moustiquaire. Je suis allée le réveiller pour lui dire que j'étais enfermée dehors. Il avait l'air complètement dans la choucroute et s'est levé pour aller tenter de réveiller la gérante. J'étais bien embarrassée surtout lorsqu'il est redescendu me dire qu'elle dormait profondément. Il a voulu me donner une autre chambre. Mais je devais me lever tôt pour aller travailler à l'école. J'ai alors eu une idée: j'ai réveillé Nick l'américain qui a la chambre d'à côté. Heureusement, sa porte s'ouvre de l'extérieur et il ne la ferme jamais. Le garde a pu ainsi  passer par le balcon et accéder à ma chambre pour m'ouvrir! J'étais vraiment contente de retrouver mes affaires pour la nuit. Quelle aventure!-

Retour à Mahaballipuram.Nous avions prévu d'aller visiter le Shore Temple en premier mais nous nous sommes laissés emporter plus au Sud par les rues bordées de sculptures à même la roche.

Nous avons été orientés par un homme à moto qui s'est arrêté et par chance travaillait dans une agence de voyage locale. Nous avons donc commencé par les Five Rathas, un ensemble de 5 temples sculptés d'une seule pièce dans de gigantesques blocs de granit au cours du VIès et jusqu'au VIIIè siècle.

 Les détails sont parfois finement exécutés alors que d'autres sont juste esquissés. Les temples furent enfouis sous le sable et ce sont les Anglais qui les découvrirent et les nettoyèrent. Chacun de ces temples est dédié à une divinité.
Le premier Ratha, dédié à Durga  est de style West Bengale. Le lion est le véhicule de Durga, la femme de Shiva ou avatar de Parvati.
Le deuxième Ratha, dédié à Shiva est de style dravidien.  Nandi, le taureau blanc, sculpté à l'arrière est la monture de Shiva. Il est aussi surnommé " Le Joyeux" et symbolise la justice et la pureté.


 Le troisième ratha est d'un style bouddhiste avec la forme de charriot la plus marquée- l'ensemble des Five Rathas suggèrent eux-même la forme d'un charriot- L'intérieur suggère juste l'esquisse de Vishnou allongé. Sa monture aurait dû figurer Garuda l'oiseau fabuleux, mais là encore, le rocher à l'extérieur est à peine marqué.

Le quatrième ratha est quant à lui dédié à Brahma le créateur, de style dravidien lui aussi. A l'arrière se trouve une magnifique représentation d'Ardhanarisvara, homme et femme ( moitié Shiva, moitié Parvarthi).
Le cinquième ratha quant à lui consacre Indra, le dieu du temps ( qu'il fait!). Le sommet ressemble à un dos d'éléphant comme le rappelle la monture sculptée sur le côté.

J'ai apprécié cette visite d'autant plus qu'avec Veronika nous avions décidé de ne pas prendre de guide, tentant de retrouver par nous-mêmes les détails indiqués sur le livret de visite.

Petit bémol, le prix de l'entrée est extrêmement cher comparé aux autres monuments que j'ai pu voir depuis mon début de séjour.
Il incluait le prix du Shore Temple, l'un des plus vieux du Sud de l'Inde dédié à Shiva qui hélàs était en réfection en raison de l'usure faite par les embruns de l'océan au cours du temps mais surtout fort touché par le tsunami de 2004 qui enfouissant certaines marques du présent a permis de mettre à jour d'anciens vestiges...Belle leçon d'Histoire donnée par les forces de la Nature sur ces lieux sacrés.
Ce qui a été intéressant cela a été de voir les techniques de restauration et de protection:
Les sculptures sont recouvertes d'une espèce de croûte lors de la restauration   


 Le plus pénible de la visite a été d'être soi-même considéré comme un dieu par les indiens et de ne pas pouvoir faire un seul pas sans qu'une dizaine de personnes ne viennent nous demander d'être pris en photo, de toucher leur main, celles de leur bébé, ou ne viennent se poster entre notre appareil photo et ce que nous voulions prendre. Nous avons par la suite été suivis jusqu'à la plage qui bordait le temple avec l'impossibilité encore une fois de trouver un temps sans être importunés. C'est d'ailleurs assez étrange de voir la différence de comportement des personnes d'un lieu à un autre. Cependant après j'ai compris que notre trio était assez particulier: il paraît que je ressemble à une enseignante de Sadhu, mon amie Veronika à une fille du Penjab et Nick à Jésus...rien que ça!
Du coup on a en souvenirs une belle photo de famille:

J'ai quand même pu m'octroyer quelques pas tranquilles dans l'eau revivifiante et me promener cinq minutes sur la plage. Il y avait des manèges pour enfants que j'ai trouvés adorables: petits chevaux de bois peints à la main, voiturettes...

Après, Nick  faisant un début d'hypoglycémie nous avons dû partir à la recherche d'un restaurant où nous reposer avant d'enchaîner sur l'après-midi.
Suivant le guide du Routard, j'ai proposé d'aller au Gecko Café, mais lorsque j'ai vu les prix exorbitants alors qu'il était inscrit que c'était le moins cher, j'en ai fait part aux garçons qui nous avaient très bien accueillis sous leur paillotte et j'ai vraiment apprécié leur gentillesse car ils nous ont donné l'adresse d'un hôtel où consommer un très bon thali beaucoup moins cher. Nous sommes donc partis en achetant malgré tout à prix d'or trois bouteilles d'eau et effectivement, l'hôtel en face du bus stand de Mahaballipuram propose une excellente nourriture et les cuisines devant lesquelles je suis passée sont très propres donc le conseil des patrons du Gecko Café étaient bons. Je pense que leur nourriture aussi, donc je conseille malgré tout ce lieu pour ceux qui veulent un bon accueil et une nourriture non végétarienne mais il faudra compter autour de 400- 600 roupies le repas.

Nous avons repris nos petits pieds pour amorcer la visite d'Arjuna's Penance narrant la descente du Gange et son établissement sur terre et de la colline qui l'entoure.

Ce site est composé d'un ensemble de monuments constitués de magnifiques bas-reliefs et haut-reliefs creusés à même les roches. La colline et ses multiples anfractuosités, petits monts présente également un ensemble de temples, grottes consacrés toujours aux divinités.

Il faut avoir là encore de bonnes jambes pour gravir les escaliers, esquiver les cochons sauvages, les chèvres, les singes et les couples d'amoureux cachés: j'ai d'ailleurs surnommé cette colline " Hill for lovers!"


J'ai apprécié le Krishna Butter Ball en entrant sur le site: une énorme boule de granit certainement tombée des mains de Sisyphe tient on ne sait comment sur les flancs de la colline. Le sculpteur qui nous a montré ses dessins nous a raconté la parabole léguée par son grand-père. Cette boule était en or à l'origine ainsi que la pierre sur laquelle elle repose. Mais les habitants, cupides, sont venus pour piller des bouts d'or...Le Dieu changea alors l'ensemble en granit pour donner une bonne leçon de morale.
 En attendant, la pierre sert de parasol et la colline de toboggan!

La journée s'est terminée par la visite d'un petit temple non loin de là. Nous avons tourné pas mal de temps à la recherche d'autres sites à voir mais finalement nous avons tout fait en quelques heures à notre grande surprise. J'avoue avoir malgré tout préféré largement Gingee.

Je ne regrette quand même aucunement ces 5 heures de car dans la journée pour quelques roupies: 150 l'aller et retour. Pour comparer: lorsque nous avons voulu prendre le rickshaw pour récupérer nos vélos à deux kilomètres de la station de bus, le conducteur a voulu nous prendre 150 roupies! Je lui ai largement ri au nez, en disant que le matin il ne nous en avait coûté que 70 roupies. J'ai entraîné les autres à l'écart et finalement l'accord a été conclu pour 80 roupies. On fait donc des économies à aller à plus de 100 km plutôt qu'à traverser la ville pour faire du shopping! C'est  clairement l'incohérence de l'Inde mais c'est aussi son charme et son humour quand on sait le prendre du bon côté. Tchao!